Les deux personnages n'ont pas d'identité et ne sont que des formes décrites au travers de ce qui suggère leur réduction à l'état de spectres, figures fantastiques d'un mort ou d'un esprit qu'on croit voir. S'agit-il d'un homme et d'une femme ou de deux hommes, appartiennent-ils au monde des vivants ou des morts ? (...)
[...] Dans " l'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir l'amour mais aussi la vie peuvent avoir disparu. I.2. Ces deux formes cheminent sans but parce que l'amour ne les motive plus. La reprise du premier vers à la ligne cinq crée un effet de cycle pour appuyer que le couple tourne en rond. Le premier distique revient sur un passé proche : " ont tout à l'heure passé terme vague mais signifiant un passé récent et une promenade déjà advenue. [...]
[...] Nous relevons aussi le terme " glacé " qui évoque le froid mais peut indifféremment qualifier un climat hivernal ou un climat nordique. I.3. Cette promenade n'a plus aucun sens. Pour signifier la discordance entre les deux personnages, Verlaine use de procédés grammaticaux, stylistiques et musicaux. D'abord, la communication ne s'établit plus sur un pied d'égalité, l'un conserve le tutoiement amoureux "Te souvient-il " alors que l'autre adopte le vouvoiement, qui crée la distance. Ils sont devenus étrangers l'un à l'autre. Le dialogue commence sur une double interrogation, qui renvoie les deux spectres l'un à l'autre (troisième distique). [...]
[...] La première voix fait entendre le langage conventionnel de l'amour, les battements du cœur, un décor conventionnel de ciel bleu. L'effusion pathétique souligné par les mots " extase " indicible qui caractérisent la passion ancienne, s'oppose à la nonchalance plus ou moins affectée de la seconde voix. II.2. Celle-ci dénonce les sentiments amoureux, mais sa brutalité ne remet toutefois pas en cause le passé en lui-même. Sa première réponse porte non sur la réalité de l'amour passé, mais sur ce qui pourrait motiver son rappel. [...]
[...] Il y a un désintérêt encore plus profond que le " non catégorique et conscient. Les deux formes n'évoluent pas au même rythme, il y a un décalage entre la tonalité feutrée des paroles de l'un et le laconisme, la dureté catégorique de l'autre avec des réponses brèves " non " c'est possible Le premier est exalté et triste. Il éprouve de la nostalgie à l'égard d'un passé heureux qu'il a gardé vivant au fond de son cœur. Le second personnage est froid, glacial. [...]
[...] Verlaine pressent l'avenir tourmenté qui sera le sien. Le faux dialogue présente comme illusoire l'ambition de vivre un amour éternel. Dans les solitudes glacées des lendemains de fête, ce poème offre une image d'autant plus effroyable et désespérée de l'amour que le couple n'éprouve plus rien. Le néant de la passion, voilà qui touche davantage que le cri de la détresse, de l'abandon. L'amour devient une chimère. Verlaine exploite ici la veine macabre de la poésie symboliste et rappelle Baudelaire. [...]
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