Vathek, William Thomas Beckford, lumière, romantisme, orientalisme, désir, Enfer, surnaturel, ironie, fantastique, orgie
Le" Vathek' de William Beckford voit le jour dans un contexte littéraire particulier. Écrit en 1782, entre l'apogée des Lumières, l'émergence du Romantisme et la grande vogue de l'Orientalisme, l'ouvrage peut être sujet à controverses. Parfois qualifié de conte arabe, orientaliste ou encore gothique, il n'en demeure pas moins philosophique. Dans cet extrait, antéposé de quelques pages à l'excipit du récit, l'auteur nous présente l'aboutissement de la quête de Vathek et de Nouronihar, ou plutôt ce qu'ils pensent être l'accomplissement de leurs désirs sans limites. Ainsi est décrite la descente aux Enfers des deux personnages qui aspirent à obtenir d'Eblis des pouvoirs surnaturels, et une vie de luxure, de plaisirs et d'excès. Mais à mesure qu'ils se rapprochent de leur dessein, leur incursion s'inscrit dans une profonde ironie visant à assombrir le destin des protagonistes.
[...] Beckford semble projeter son mépris pour la religion et la tradition imposées par la société et par sa mère très pieuse. C'est en quelque sorte une façon pour l'auteur de revendiquer une envie de s'affranchir des codes de la société et des traditions pour s'adonner à tous les excès et les plaisirs, sans limites et sans contraintes. On retrouve aussi son esprit transgressif dans les personnages de Vathek et Nouronihar, ce qui reflète d'autant plus la dimension de l'orientalisme. Un souvenir marquant Enfin, cet extrait est particulièrement représentatif de la nostalgie de Beckford quant à la fête extravagante qu'il a organisée dans sa demeure de Fonthill. [...]
[...] Ce texte en est tout à fait représentatif puisque ces deux courants s'y manifestent de toutes parts à travers leur orientalisme commun. Mais c'est aussi et surtout de l'auteur lui-même que jaillit cette mouvance à travers son extravagance et son euphorie face à tous les excès et tous les plaisirs. C'est en s'inspirant de l'ambiance déstabilisante de la fête de Fonthill qu'il exprime sa volonté de s'affranchir de tout ce qui peut prohiber ses fantasmes saugrenus. Beckford n'est pas le précurseur du thème de l'homme tenté par les puissances du mal, mais l'association du motif des désirs excessifs avec l'image orientaliste de son époque, inspirera nombre d'auteurs, comme Friedrich Maximilian Klinger et son Faust oriental publié anonymement en 1797. [...]
[...] Leur présomption renvoie directement au désir despotique de Vathek qui semble voué au même destin, illustrant le châtiment de la transgression du personnage, motif typique de l'orientalisme, soit le risque encouru pour avoir poursuivi un désir d'affranchissement et de fantasmes excessifs. La place du surnaturel Enfin, cette quête illusoire s'inscrit aussi dans une dimension fantastique, dans laquelle l'ambition des personnages se transforme en véritable mirage. D'abord les « caractères » qui apparaissent et qui « [changent] à chaque instant », puis le rappel de la « vision » de Nouronihar, l'impression qu'ont les protagonistes de tomber lorsqu'ils se dirigent vers la porte d'ébène ou encore cette « plaine immense » qu'ils ont cru voir en entrant dans le royaume des ténèbres relèvent de l'illusion, et interprètent les fantasmes despotiques du calife qu'il pense pouvoir réaliser dans le palais d'Eblis. [...]
[...] Cette fête créée sur le thème de la désorientation qui vise à déconcerter les invités prend tout son sens dans ce texte avec ces individus qui « [écument] de rage et [courent] de tous côtés comme des tigres blessés d'un trait empoisonné » ou encore avec la « confusion imposante » des « longs rideaux [qui] tombaient de toutes parts ». Enfin, l'orgie de 1781 s'illustre ici également par les « tables couvertes d'une variété innombrable de mets et de toutes sortes de vins ». D'après l'auteur, le palais d'Eblis serait le fruit de sa retranscription de Fonthill orientalisé. Ainsi, dans ce texte on retrouve d'une certaine façon l'aboutissement de l'orgie de Beckford dans tous ses excès. [...]
[...] Une alternance d'évocations sensorielles olfactives et auditives contribue largement à cet effet. La « vapeur camphrée », les « exhalaisons infernales », et cette « odeur si subtile » qui « étourdi » Nouronihar et Vathek, ou encore le bruit de la porte d'ébène amplifié par la comparaison hyperbolique du « tonnerre de la canicule », les « vins qui pétillaient » et le « son d'une musique, qui résonnait sous leurs pas » exaltent nos sens et nous plongent dans l'univers des personnages. [...]
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