L'Enfant est le premier volume de la trilogie de Jacques Vingtras ; à travers la vie de ce personnage, Jules Vallès livre la sienne, la fiction lui permettant de prendre ses distances avec un vécu parfois douloureux. L'Enfant évoque en effet le parcours d'un jeune garçon "qu'on fit pleurer dans la famille", battu très souvent par sa mère (...)
[...] J'entends qu'on remue des carafes, qu'on ouvre un tiroir ; on met des compresses. Ce n'est rien vient me dire ma cousine, en pliant une bande de linge tachée de rouge. Je sanglote, j'étouffe : ma mère reparaît et me pousse dans le cabinet où je couche, où j'ai peur tous les soirs. Je puis avoir cinq ans et me croit un parricide. Ce n'est pas ma faute, pourtant ! Est-ce que j'ai forcé mon père à faire ce chariot ? [...]
[...] Je deviens tout pâle et je m'avance vers lui ; un coup violent m'arrête ; c'est ma mère qui me l'a donné, l'écume aux lèvres, les poings crispés. C'est ta faute si ton père s'est fait mal ! Et elle me chasse sur l'escalier noir, en me cognant encore le front contre la porte. Je crie, je demande grâce, et j'appelle mon père : je vois, avec ma terreur d'enfant, sa main qui pend toute hachée ; c'est moi qui en suis cause ! Pourquoi ne me laisse-t-on pas entrer pour savoir ? On me battra après si l'on veut. Je crie, on ne me répond pas. [...]
[...] L'accident perd alors tout aspect accidentel, et le fils, en plus de la peur ressentie à la vue du sang, des coups et de sa mise à l'écart, doit porter le poids de cette responsabilité. La souffrance est alors bien plus morale que physique. L'enfant préfèrerait savoir ce qui se passe, revenir vers son père, quitte à être battu près si l'on veut ; la douleur d'être rejeté et de se sentir coupable est bien plus difficile à supporter que la violence physique. Les relations entre l'enfant et ses parents La mère apparaît donc dans ce passage tel qu'elle a initialement été présentée dans l'œuvre, violente. [...]
[...] Il évoque les sentiments ressentis, l'incompréhension pourquoi la terreur d'enfant la culpabilité c'est moi qui en suis cause ! ainsi que son désir d'auto-mutilation. L'enfant aurait préféré se blesser, lui, plutôt que de voir son père souffrir, car cette souffrance du père (qui n'était finalement pas si importante que cela, des compresses ont suffi et le texte ne mentionne par la suite aucune séquelle) entraîne pour l'enfant des conséquences bien plus douloureuses : sa mise à l'écart, sa culpabilisation, et l'indifférence du père. [...]
[...] Jules Vallès, L'Enfant, chapitre 1 : le père. Commentaire. Texte étudié C'est au coin d'un feu de fagots, sous le manteau d'une vieille cheminée ; ma mère tricote dans un coin ; une cousine à moi, qui sert de bonne dans la maison pauvre, range, sur des planches rongées, quelques assiettes de grosse faïence avec des coqs à crête rouge, et à queue bleue. Mon père a un couteau à la main et taille un morceau de sapin ; les copeaux tombent jaunes et soyeux comme des brins de rubans. [...]
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