L'Usage du monde, Nicolas Bouvier, récit, voyage, genre littéraire, genre narratif, Nouveau Roman, histoire littéraire, récit de voyage
L'Usage du monde, titre retenu après qu'ont été envisagés Le monde extérieur et Un moment de la vie, présente un récit de voyage en pleine période de Nouveau Roman, dont il convient de détailler l'histoire et les propriétés. Le récit de voyage est l'un des genres les plus anciens : pensons à Hérodote (Jacques Lacarrière, En cheminant avec Hérodote, 1981), initiateur du genre.
Pourtant, constitue-t-il un genre narratif à part entière ? Et toute production de relation de voyage peut-elle être classée comme littéraire ?
Un bref historique du genre nous permettra de situer l'oeuvre de Bouvier dans le temps long de l'histoire littéraire. Jean de Léry (1534-1613), avec l'Histoire d'un voyage en terre du Brésil, fait émerger le genre, en faisant porter l'accent sur la subjectivité du narrateur, adoptant un éthos montaignien dont Bouvier lui-même se réclame.
[...] Nous nous demandions en quoi notre passage, plus réduit, répondait aux critères attendus du discours préfacier et en quoi, il ouvrait un horizon programmatique mais cela de manière paradoxale. Si l'on avance les caractéristiques formulées par Claude Reichler à propos du récit de voyage, l'on voit bien que l'avant-propos est un condensé du récit viatique : il présente en effet des moments de narration, un déplacement dans l'espace, la personne du narrateur-voyageur dédoublée ici avec la présence de Thierry Vernet, et un destinataire ; le lecteur auquel est implicitement suggéré un protocole de lecture centré autour de la lenteur. [...]
[...] Par ailleurs, une information géographique peut fournir une raison complémentaire : à ce stade, Bouvier est aux portes de l'Orient, le voyage n'est donc pas complètement lancé puisqu'il est encore attaché à l'Occident. Notre question sera donc la suivante : comment l'avant-propos remplit en partie le cahier des charges programmatique d'un paratexte préfacier, mais, en même temps, évince la question du pourquoi partir et par le recours à l'exemple, établit un programme malgré tout ? Il s'agira dans un premier temps d'étudier le seuil que présente et représente l'avant-propos, avant de se focaliser sur l'écriture de la sensation dans un deuxième temps. [...]
[...] Critique et récits de voyage, Paris, Klincksieck, 1994). Quant à Jean Roudaut dans un article (« quelques variables du récit de voyage », Nouvelle revue française n°377, juin 1984, p. il emboite le pas de Claude Lévi-Strauss et son fameux : « Adieu sauvages Adieu voyages le genre serait-il aujourd'hui autre chose qu'une survivance ? S'il n'y a plus de différence, il n'y a plus de matière à récit. Ainsi finissent les grands genres? ». Tous les grands auteurs ont compris la nécessité de sortir de la naïveté et de ne pas céder à la pression de la grégarité nomade » : l'ethnographie et l'anthropologie critique (Lévi-Strauss) auront beaucoup contribué à cette transformation : leurs conceptions, vulgarisées, ont exercé une influence notable sur tous ceux qui ont entrepris un déplacement de quelque importance. [...]
[...] Quant au style, il est « sans apprêt, le ton de la chose : de la simplicité et de la clarté ». Mais la naissance véritable du genre a lieu au sein du champ littéraire au XIXème avec Chateaubriand, quand paraissent en 1811 Voyage de Paris à Jérusalem et Mémoires d'outre-tombe puis Le Voyage en Orient de Nerval (publié en 1851) ; les Mémoires d'un touriste (1838) de Stendhal ; mais aussi Théophile Gautier. Face à cette question du voyage se pose une problématique littéraire « Peut-on considérer qu'un récit « factuel » (c'est-à-dire un texte qui prend comme assise une expérience réelle, quels que soient les compléments et les associations de tous ordres, liés aux souvenirs et aux impressions du sujet, voir Genette, Fiction et diction, chapitre III, Seuil points essais) puisse prendre rang, sans en subir un certain nombre de distorsions, parmi les ?uvres littéraires ? » Manifestement, la littérarité, soit le souci de style et de composition du récit de voyage pose question. [...]
[...] C'est une question implicite à laquelle le voyageur se doit de répondre. Bouvier règle la question en avant-propos. Il n'évacue pas totalement la question en affirmant « dans de pareilles affaires, l'essentiel est de partir » mais le ton cassant qu'il utilise pour dire que le voyage se passe de motifs (notons le ton de la maxime au présent gnomique) est une réponse au mouvement de l'époque, à la haine du voyage. Bouvier n'offre aucune raison personnelle ni autobiographique par ailleurs. Il se contente de formuler des raisons ou une absence de raisons objective. [...]
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