Le premier quatrain énumère les biens perdus par Musset ; le deuxième souligne son erreur devant la « Vérité », thème repris dans le premier tercet puisque le poète s'inclut dans le lot des « ignorants ». Après l'énoncé de ces pertes et erreurs, Alfred de Musset fait état du « seul bien qui lui reste » : le retrait du vers par l'emploi du tiret et la formule superlative « au monde » mettent en relief la solennité de ce bilan ultime.
Mais ce « bien » est « d'avoir quelquefois pleuré » ; là aussi le présent se nourrit du passé (mise en relation du présent « reste » et de l'infinitif passé « avoir pleuré »), et d'un passé fort amer puisqu'il est fait de « larmes ». Le poème s'achève sur un goût de néant et de déréliction totale, c'est-à-dire un sentiment de solitude existentielle.
[...] Tristesse Derniers Vers, Alfred de Musset Tristesse J'ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté; J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie. Quand j'ai connu la Vérité, J'ai cru que c'était une amie ; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en étais déjà dégoûté. Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d'elle Ici-bas ont tout ignoré. Dieu parle, il faut qu'on lui réponde. Le seul bien qui me reste au monde Est d'avoir quelquefois pleuré. [...]
[...] Un poème lyrique Les deux premiers quatrains présentent un rythme de rengaine, de par les anaphores qui scandent les octosyllabes ; c'est un peu la ballade du poète maudit, dont la plainte passe par l'expression des sentiments personnels (lyrisme) : l'abondance des pronoms personnels j' je et des adjectifs possessifs mon ma de la première personne le montre aisément. Le poète s'analyse, expose les modalités de son échec. On peut noter la récurrence du verbe croire qui faisait croire à mon génie j'ai cru qui s'oppose au verbe de la certitude compris Musset a bel et bien vécu dans l'erreur et l'illusion. b. L'accès à une nouvelle sagesse ? [...]
[...] NB : Il n'y a pas d'indications bibliographiques à citer puisqu'il s'agit d'un commentaire de texte, autrement dit d'une interprétation subjective, personnelle. [...]
[...] En outre, l'anaphore de la conjonction temporelle quand employée avec des verbes au passé composé connu, comprise et sentie ; on note au passage la gradation de l'appréhension intellectuelle à l'assimilation intuitive : les sentiments priment sur le raisonnement chez Musset) évoque un moment charnière : j'en étais déjà dégoûté Cette attitude désabusée va faire l'objet d'un jugement critique dans la strophe suivante, amené par le connecteur logique d'opposition Pourtant et par l'antithèse entre l'éphémère déjà et l'éternel immortelle Le poète conclut qu'il est passé à côté de l'essentiel tout ignoré Enfin, l'alternance du passé composé et du présent met en regard ce qui fut et ce qui n'est plus, mais évoque aussi ce qui aurait pu être L'expression lyrique des regrets : source d'une morale nouvelle ? La tonalité du sonnet est discrètement élégiaque : Musset exprime une plainte résignée devant ce qui aurait pu être une vie réussie et ne l'a pas été. Le passé composé évoque le passé mais aussi les conséquences présentes d'une action révolue, ce qui rend la nostalgie du poète plus amère. [...]
[...] Ainsi le poète s'efface-t-il insensiblement pour parler des autres et de Dieu. Est-ce le signe de son déclin irrémédiable ou d'une nouvelle sagesse ? Le thème de la mort est bien sûr présent tout au long du poème, mais surtout à la fin à travers l'adjectif éternelle l'adverbe de lieu ici-bas qui s'oppose implicitement au Ciel, évoqué d'ailleurs par le mot Dieu et l'allusion probable au Jugement dernier Dieu parle, il faut qu'on lui réponde Cependant, les larmes sont présentées comme un bien : c'est qu'elles ont été et sont encore la source d'inspiration du poète. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture