Bédouin, Antoine de Saint-Exupéry, Terre des Hommes, André Prévot, rencontre salvatrice, rencontre, dispositif narratif, amour, autrui, poème élégiaque, reconnaissance d'autrui, autobiographie, Emmanuel Lévinas, bonheur
Il s'agit ici d'un extrait de l'oeuvre autobiographique d'Antoine de Saint-Exupéry, plus connu pour son Petit Prince, Terres des Hommes, écrite et publiée en 1939. Ce passage est situé à la fin de la septième partie de l'ouvrage, intitulée "Au centre du désert". L'auteur y relate un épisode de sa vie, et plus exactement, l'accident d'avion qu'il a connu avec son mécanicien André Prévot et qui l'a fait échouer en plein milieu du désert tunisien. Le passage est structuré en trois mouvements. Dans un premier temps, des lignes 1 à 21, l'auteur évoque sa rencontre salvatrice avec un Bédouin. Dans une seconde partie, de la ligne 21 à la ligne 37, Antoine de Saint-Exupéry propose des réflexions sur l'Eau, selon un dispositif narratif original, puisqu'il s'adresse directement à elle. Ce dispositif se poursuit dans une troisième partie, des lignes 37 à 49, l'auteur s'adresse directement au Bédouin qui les a sauvés.
[...] Il conclut sur un champ lexical de la guerre et de la paix retrouvée, par des images totalisantes et hyperboliques : "Tous mes amis" ; "tous mes ennemis" qui s'opposent avec l'unique, "le seul" ennemi au monde de la dernière partie de la phrase. Au terme de cette analyse, il apparaît qu'Antoine de Saint-Exupéry s'empare du genre autobiographique afin de proposer le récit poétique d'une double rencontre : une rencontre quasi mystique avec l'Eau ; une rencontre quasi mystique avec son sauveur, un bédouin. [...]
[...] L'emploi du présentatif "Et voici que" (l.1) rend compte de ce tournant dans la narration, et rend la scène visible aux yeux des lecteurs. L'intensité de ce moment est renforcée par l'emploi du complément circonstanciel de manière "sans hâte" (l.1) qui met en valeur l'écart qui sépare l'urgence de la situation, de la réaction du bédouin. Cette mise en valeur se poursuit à la deuxième ligne, avec l'emploi du futur "tout sera accompli" qui confère à cette scène un caractère crucial dans le récit. [...]
[...] Ce mode de narration semble mimer celui du poème amoureux, où l'être épris s'adresse directement à celui qu'il aime. Outre le fait que l'auteur personnifie l'eau, celui-ci établit un quasi rapport de désir entre lui et l'eau : "Eau, tu n'as ni goût, ni couleur, ni arôme, on ne peut pas te définir, on te goûte, sans te connaître." Cette phrase prend les aspects d'un vers de poésie, dont l'hémistiche est évidente (entre "arôme" et Par là, Saint-Exupéry met en valeur la détresse dans laquelle il s'est trouvé sans eau, et son besoin vital d'en trouver. [...]
[...] 28). L'eau fait l'effet d'une révélation quasi mystique, puisqu'elle ouvre en nous "toutes les sources taries de notre cœur." (l. 29). L'auteur emploie une série de superlatifs, afin de rendre compte de l'importance de l'eau : "la plus grande richesse" (l.30) ; "la plus délicate" (l.31) ; et un intensif "toi si pure" (l. 31). La puissance de l'eau est aussi mise en valeur par sa dimension dangereuse. L'eau n'est pas seulement dotée de caractéristiques mélioratives, elle est aussi mortelle. [...]
[...] En réalité, Antoine de Saint-Exupéry ménage ici un effet plus fort : ce Bédouin de Libye devient la métonymie de l'humanité toute entière. Il représente l'Homme dans son ensemble. Comme avec l'eau, l'auteur utilise à nouveau un verbe d'état : "Tu es l'Homme" (l.42), afin de marquer une stricte identité entre lui et l'homme au sens large. Ce sens particulier est directement visible par l'emploi de la majuscule H. Saint-Exupéry décrit ici une véritable rencontre avec autrui, où le visage tient une place centrale. [...]
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