Dans la critique littéraire, personne ne défend l'idée de la vieille antithèse entre forme et contenu, entre style et fond. Le consensus est total. Mais dans la pratique de la critique littéraire, la vieille antithèse perdure. Même chez les critiques qui prétendent que la forme et le fond ne font qu'un.
Parler de style est très difficile (en dehors de l'aspect décoratif). Il est presque nécessaire pour l'évoquer de recourir à une antithèse par rapport à autre chose. Beaucoup de critiques ne réalisent pas ce fait. Leur jugement ne fait alors que renforcer ce qu'ils nient farouchement.
[...] Le style et l'âme assument la forme du corps. II. Antipathie pour le style L'antipathie pour le style est antipathie pour un style donné. Il n'est pas d'œuvres sans style. Le style appartient à un temps et à un lieu. La visibilité des styles est un produit de la conscience historique. La stylisation (qui n'est pas le style) reflète une ambivalence. Elle maintient une distance avec le sujet. L'art stylisé est un art de l'excès, jamais de la meilleure sorte. [...]
[...] L'art comme objectivation de la volonté L'art est une objectivation de la volonté dans une chose ou une performance, et création de la volonté. Pour l'artiste, il est objectivation d'une volition. Pour le spectateur, création d'un décor imaginaire de la volonté. Pour Jean Starobinski (L'invention de la liberté), l'art est une manière de nommer les émotions, d'inventer et de prolonger émotions, désirs, aspirations. Par exemple, la solitude sentimentale provoquée par les jardins du XVIIIe siècle ou par les paysages de ruines. [...]
[...] La moralité est une forme d'action et non un répertoire spécifique de choix. Il n'existe pas d'antagonisme spécifique entre la moralité et l'expérience esthétique. C'est seulement quand la moralité est identifiée à une moralité spécifique, et l'œuvre d'art réduite à une affirmation, avec des contenus spécifiques, que l'on peut considérer qu'une œuvre d'art vient nier la moralité. Mais si l'on considère la moralité au singulier, comme une décision générique sur une partie de la conscience, il apparaît que notre réponse à l'art est morale dans la mesure où elle vient éveiller notre sensibilité et notre conscience. [...]
[...] Le nombre de styles possibles est infini comme les variations de l'esprit humain. Vu de l'extérieur, le style peut être connecté avec sa période historique, avec tel ou tel mouvement. Il comporte aussi une part arbitraire et injustifiable, rarement étudiée. Le critique qui loue une œuvre en justifie chaque détail. L'artiste sait que tout aurait pu être autrement. Il connait la part de la fatigue, de l'erreur, du hasard. L'œuvre d'art est peut-être inévitable, mais chaque détail était évitable au moment de sa création. [...]
[...] Approuver ou désapprouver moralement une œuvre d'art est aussi extérieur à l'œuvre que d'éprouver une excitation sexuelle devant cette œuvre. Les deux sont évidemment très courants. VIII. L'expression des formes de la conscience humaine Une œuvre peut comprendre un contenu pornographique, des informations sur la théologie médiévale, l'histoire de Florence ou la biographie de Dante, la dépression ou la mélancolie, etc. Mais l'apport de l'œuvre d'art dépasse ce contexte : c'est l'expression des qualités ou des formes de la conscience humaine. [...]
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