Le Supplément au voyage de Bougainville, Denis Diderot, 1779, dialogue philosophique, Louis Antoine de Bougainville, Tahiti, colonisation européenne, civilisation, Tahitien, tolérance, ouverture d'esprit, simplicité de vie, éloge, critique, valeurs européennes, tonalité polémique, Occident, Européen, discours, vie sauvage, vision utopique, liberté, égalité, fraternité, respect, morale philosophique, dénonciation, esclavage, colonisation
Au XVIIIe siècle, avec le rationalisme des Lumières, de nouvelles expéditions d'exploration maritime ont lieu. Parmi elles, le fameux tour du monde du capitaine Louis-Antoine de Bougainville, de 1766 à 1769. Diderot, philosophe des Lumières à l'origine, avec D'Alembert, du monumental projet de l'Encyclopédie, reprend dans un dialogue philosophique fictif les échanges qu'il a imaginés entre l'explorateur et les Tahitiens, dans son Supplément au voyage de Bougainville, publié en 1779. L'extrait étudié constitue le discours du vieux Tahitien au navigateur et à son équipage, au moment de leur départ. Véritable réquisitoire contre la colonisation européenne, le texte défend les valeurs des indigènes.
[...] Diderot reprend ainsi le mythe du bon sauvage, insinuant que les indigènes ne sont pas les sauvages décrits par les européens, qu'ils surpassent même dans leur valeur, ce qui rapproche sa pensée de celle de Rousseau, qui affirmait que l'homme était bon de nature, mais qu'il était perverti par la société. Cette défense des « sauvages » est permise par la stratégie mise en place par l'auteur dans son argumentation. Une stratégie argumentative particulièrement efficace Pour finir, Diderot utilise une stratégie argumentative particulièrement efficace dans le discours du Tahitien. D'abord, le discours a une forte tonalité polémique. En effet, c'est un discours à double énonciation. [...]
[...] Il fait donc l'éloge de la simplicité de la vie des Tahitiens. Ces derniers vivent en harmonie avec la nature. Avec « Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère » et « enfants de la nature », on retrouve une personnification qui donne de la nature une image sacralisée, presque comme une divinité féconde. En outre, ils ne manquent de rien : aux lignes 30-31, avec l'hyperbole « tout ce qui est nécessaire et bon, nous le possédons », le Tahitien affirme qu'ils ont le strict nécessaire, pour les besoins vitaux, mais qu'ils s'en contentent avec joie. [...]
[...] Enfin, il met en place une accusation véhémente : les sonorités agressives, avec les allitérations en ou martèlent en effet le discours, comme à la ligne 22 avec « dans le même instant tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée », ce qui révèle toute la violence de son propos. De la même manière, la brièveté des phrases, séparées par juxtaposition, avec les nombreux virgules et points-virgules, donne un rythme saccadé qui renforce l'agressivité du réquisitoire. Diderot utilise aussi le registre pathétique pour argumenter et persuader. Il évoque pour cela les souffrances à venir pour les Tahitiens. [...]
[...] 23-24 (« Tu crois donc que le Taïtien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? ») soulignent cet état de fait : les Tahitiens sont un peuple libre qui tient à sa liberté et est prêt à la défendre. Ils ont également une organisation basée sur l'égalité et la fraternité. En effet, on note l'usage constant du pronom « nous » globalisant pour les Tahitiens. À la ligne 25, on retrouve le lexique de la famille (« frère, enfants »). [...]
[...] En outre, un futur tragique attend les Tahitiens. Cela est montré par la reprise anaphorique « un jour » l à par les futurs employés aux lignes 2 et 3 (« vous les connaîtrez », « ils reviendront », « vous servirez »), et par le champ lexical de la mort (« mourir, égorger, funeste, fin »). Tous ces éléments annoncent fatalement une fin douloureusement tragique pour les populations locales, de souffrances, d'esclavage ou de mort. Mais la force du discours réside dans le fait qu'il n'utilise pas que les émotions, il cherche aussi à convaincre par la raison. [...]
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