Voyage de Bougainville, Denis Diderot, Voyage autour du monde, réquisitoire contre la folie, paradis
Denis Diderot est un philosophe des Lumières. Français, il est né à Langres en 1713 et mort à Paris en 1784. Il fréquente de nombreux auteurs célèbres, parmi lesquels le philosophe et écrivain Jean-Jacques Rousseau, et d'Alembert, avec qui il fonde l'oeuvre majeure du XVIIIème, l'Encyclopédie.
Il rédige de nombreux textes argumentatifs développant des thèses matérialistes et athéistes, son rejet du despotisme et son intérêt pour l'éducation. Il s'illustre aussi dans la production de romans et des pièces de théâtre appartenant au drame bourgeois.
[...] Dans ce texte, le philosophe imagine le discours d'un vieux tahitien au navigateur de retour sur son île, qui mette en balance l'image d'un peuple naïf et lascif, inculte et acceptant volontiers l'irruption des européens sur sa terre. Comment l'auteur parvient-il à faire de ce discours une critique convaincante de la colonisation ? Nous verrons tout d'abord comment ce discours constitue un véritable réquisitoire contre la civilisation occidentale, puis comment il fait un éloge du mode de vie des indigènes. Le ton du vieil homme qui s'adresse au navigateur est bien loin de correspondre à l'image accueillante que nous en donnait Bougainville. [...]
[...] Ainsi, il souligne à quel point l'arrivée de Bougainville à Tahiti est dommageable pour tout un peuple, une civilisation à part entière, mais il utilise aussi un procédé pour émouvoir et persuader son auditoire des méfaits de cette civilisation. Car, derrière Bougainville, ce sont tous les européens d'alors qui doivent se sentir désignés, et cette adresse à la deuxième personne du singulier touche particulièrement au cœur de chacun de nous, qui nous reconnaissons derrière ces explorateurs. En opérant ce va et vient permanent entre son peuple et cet homme, et en les réunissant ensuite dans l'image d'une humanité fraternelle vous êtes deux enfants de la nature en procédant à un renversement hypothétique où il propose la situation inverse et interroge les réactions de Bougainville, et donc du lecteur, Diderot souligne bien la parité entre les deux peuples, en terme d'humanité, et interroge la légitimité de ces colonisateurs. [...]
[...] En effet, c'est un véritable réquisitoire contre les européens que construit ce discours, en dénonçant tout d'abord un peuple qui apporte avec lui la violence, le vice et la jalousie, puis un peuple cruel, avide de conquête, dominé par une cupidité qui génère l'injustice, et enfin un peuple qui a perdu son humanité, sa morale et sa sagesse. Le premier thème qu'aborde le vieillard dans ce discours à Bougainville, c'est l'aspect nuisible de la présence des européens parmi son peuple : tu ne peux que nuire à notre bonheur Ainsi, le champ lexical de la violence et du mal souligne les méfaits qu'ont apporté avec eux les européens, en commençant par leur fréquentation des femmes de cette île : allumer fureurs inconnues folles féroce se haïr égorgés teintes de votre sang souffrirais la mort mourir exposé aux flèches de nos ennemis te tourmenter malheur exterminer ravages meurtres La métaphore tu as allumé en elle des fureurs inconnues dénonce la violence et la nouveauté de la jalousie et possessivité qu'ont déclenché les échanges amoureux relatés par le navigateur : elles sont devenues folles dans tes bras , se sont mises à se haïr vous vous êtes égorgés pour elles C'est donc tout d'abord ce contact entre les hommes et femmes des deux populations que déplore le vieillard, car il assimile ces unions à des contacts délétères . [...]
[...] En effet, les Otaïtiens, à la différence des européens, vivent sans chercher à accumuler les richesses ou les privilèges. Ce qui importe en priorité à ces hommes, c'est d'assurer l'essentiel: Tout ce qui est nécessaire et bon, nous le possédons nous avons de quoi manger nous avons de quoi nous vêtir l'étroite limite du besoin A la propriété matérielle que recherchent les européens, le vieillard oppose une vie douce et clémente, dont les besoins sont raisonnables et justes dédiés à la survie. [...]
[...] regarde ces femmes, vois comme elles sont . Enfin, le discours se rythme par l'utilisation des impératifs qui se multiplient au fil du discours, et qui traduisent la détermination et l'implication de l'orateur : écarte laisse-nous poursuis permets va ( . ) t'agiter laisse-nous reposer ne nous entête regarde», vois prends appelle tâchez Pour finir d'observer ce qui rend ce discours du vieillard si efficace, il convient d'étudier comment ce texte se colore d'une tonalité pathétique, qui finit par émouvoir le lecteur. [...]
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