La retranscription de cette leçon de Sansfin intervient dans le cadre des réflexions de Lamiel sur l'amour. Dans les pages qui précèdent, ces réflexions dérivent sur les péchés que lui peignent les Hautemare. Lamiel n'accorde plus aucun crédit à l'enseignement moral de ses parents adoptifs. Grâce à Sansfin, elle n'est plus dupe de toutes leurs idées reçues – pour reprendre l'expression de Sansfin – sur les vertus et les devoirs.
Sansfin a beaucoup travaillé à détruire les vérités respectables – c'est encore une expression du docteur – des Hautemare. Le but de son enseignement est de faire acquérir à Lamiel le bon sens, c'est-à-dire la capacité à comprendre le monde, la société tels qu'ils fonctionnent réellement. Un des effets de cet enseignement est de pouvoir déjouer l'hypocrisie.
L'hypocrisie est l'objet de la leçon de Sansfin. À partir la division du monde que propose Sansfin – dupes et fripons –, nous verrons comment la Restauration a fait de l'hypocrisie une nécessité, et comment le dégoût de l'hypocrisie est lié au rapport qu'entretient Lamiel avec l'amour. Un axe de lecture sera donc consacré à l'hypocrisie.
Un autre concernera la rhétorique de Sansfin. Le docteur est un manipulateur qui tire ce qu'il veut de presque n'importe qui. Son enseignement – et plus particulièrement la leçon qui nous intéresse – a deux buts : transmettre efficacement ses idées et séduire Lamiel. Sansfin élabore sans cesse des projets pour lui-même, car il souhaite améliorer sa condition sociale et prendre du plaisir, c'est-à-dire le plus souvent satisfaire sa vanité sans bornes.
[...] Et lorsque Lamiel possède une vertu, comme la pitié pour la comtesse qui tombe de son cheval et dont on se moque, c'est un sentiment naturel, complètement indépendant de la morale telle que le siècle la conçoit. Lamiel est indépendante et libre, par nature. Elle refuse toute forme de déterminisme social qui exclue la liberté : la pratique de l'hypocrisie et de la bienséance comme le fait de se marier sagement et logiquement avec un bon villageois de Carville. Mais les mœurs de la Restauration ne laissent aucune place à ces êtres qui perturbent l'ordre social et moral. [...]
[...] Logiquement, elle doit donc se méfier des compliments de Sansfin, qui d'ailleurs se met lui-même en doute. Ainsi, l'amour de Sansfin ne peut être exprimé que s'il est remis en doute, exactement comme les vérités qu'il énonce. Le contenu de ses compliments est assez peu flatteur. Ce que Sansfin dit à Lamiel, en fin de compte, c'est qu'elle est une sorte de loisir. Cette espèce de dédain provient de la vanité du docteur. La vanité l'empêche d'admettre qu'un sentiment a pris le dessus sur sa raison et, en d'autres termes, qu'il perd le contrôle. [...]
[...] Stendhal, Lamiel : la leçon de Sansfin sur l'hypocrisie (étude des p Le premier sentiment à p moimême de l'édition Flammarion) TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION : SITUATION ET ENJEUX L'HYPOCRISIE Explicitation de la division du monde dupes/fripons Lamiel et l'hypocrisie L'hypocrisie et la restauration Amour et hypocrisie Vision du monde que propose Sansfin à travers sa division du monde dupes/fripons RHÉTORIQUE DE SANSFIN Méthode de Sansfin Tension dans la véracité Tension dans l'amour Conclusion sur l'enseignement de Sansfin . CONCLUSION . [...]
[...] La bienséance et la vanité étant des méfaits du XIXe siècle, on peut conclure que Sansfin est prisonnier des mœurs de son temps, malgré sa lucidité. C'est un personnage qui n'obtiendra jamais un succès assez grand pour satisfaire sa vanité. Il est condamné à faire toujours des projets, sans fin. Il vit dans une sorte de mouvement, de tension perpétuelle. Cette tension qui le caractérise se retrouve dans sa 7 rhétorique, comme le démontre la mise en doute de sa propre parole et les effets d'attente qu'il crée dans ses exemples. [...]
[...] Lamiel est plus qu'étrangère à l'hypocrisie, elle en est dégoûtée, comme l'indique la résolution qu'elle prend à la fin de notre extrait. Sur les deux solutions possibles pour éviter l'hypocrisie, une est accessible à Lamiel. Par un caractère ferme, Lamiel veut se libérer de l'hypocrisie, c'est-à-dire d'une contrainte qui semble inévitable dans la société que lui peint Sansfin. À travers le dégoût de l'hypocrisie, il y a le dégoût de la société dans laquelle elle vit L'hypocrisie et la Restauration Comme le dit Sansfin, l'hypocrisie n'était pas possible sous Napoléon. [...]
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