C'est en 1838, dans les dernières années de sa vie, qu'Henri Beyle écrit La Chartreuse de Parme. Les deux caractères essentiels du roman sont la complexité et l'unité. Complexité parce que l'histoire, la politique, l'amour s'y mêlent sans cesse, mais unité, parce que la vie de tous les personnages est centrée sur celle de Fabrice del Dongo, le jeune noble milanais, qui part à la conquête de la gloire et du bonheur.
Cette quête sera longue, parfois décevante et pleine d'imprévus.
Fabrice connaîtra enfin le bonheur de la passion avec Clélia, à l'écart du monde, dans une prison italienne, après avoir fait l'expérience de la guerre à Waterloo.
Les premières pages de La Chartreuse évoquent l'occupation de Milan en 1796 par Bonaparte, le bonheur des Italiens délivrés des Autrichiens, et la jeunesse heureuse de Fabrice del Dongo, jeune noble milanais. Il désire ardemment rejoindre les armées de Napoléon, évadé de l'île d'Elbe. Après bien des épreuves et des difficultés, il parvient enfin sur les lieux de la bataille. Et le premier signe tangible du combat en est le bruit assourdissant : "Le tapage devint tellement fort en ce moment que Fabrice ne put répondre" indique la phrase qui précède notre extrait.
Stendhal nous présente alors un tableau en action de ce conscrit de dix sept ans, de ce débutant qui reçoit pour la première le baptême du feu ! Nous le voyons parcourir une partie du champ de bataille un peu à l'aventure, tantôt lancé au galop, tantôt immobilisé, parfois effrayé parfois courageux, parfois exalté, parfois rêveur.
Et le lecteur enthousiasmé le suit, s'identifie à lui, essaie lui aussi de comprendre la terrible réalité de la guerre.
Nous nous efforcerons donc d'étudier l'intérêt artistique du récit et d'expliquer la technique originale de narration utilisée par le romancier. Puis nous montrerons dans une deuxième partie comment cette technique permet de révéler progressivement le caractère très attachant du héros, rendu particulièrement sympathique par les interventions de l'auteur, qui considérait Fabrice comme son fils spirituel (...)
[...] A-t-il vraiment assisté à une bataille, à la bataille de Waterloo ? ( ( ( En définitive, nous avons essayé de montrer les deux intérêts majeurs du texte : d'une part, la technique originale de narration, ce qu'on a appelé le réalisme subjectif de Stendhal, et d'autre part le portrait psychologique et moral du héros qui apparaît à travers le tableau de la bataille. Ce qui frappe dans ce récit, c'est d'abord en effet le réalisme psychologique . Alors que les récits de bataille traditionnels nous présentaient un tableau général et ordonné, tel qu'a pu se le représenter un historien après avoir fait la synthèse des témoignages et des documents, Stendhal avec son horreur du mensonge, du vague et de l'exagéré s'attache à ne montrer de la bataille que ce qu'a pu en voir un garçon de dix sept ans sans expérience militaire, et à le montrer de la manière exacte dont il a pu le voir. [...]
[...] Le fond des sillons 30était plein d'eau, et la terre fort humide, qui formait la crête de ces sillons, volait en petits fragments noirs lancés à trois ou quatre pieds de haut. Fabrice remarqua en passant cet effet singulier ; puis sa pensée se remit à songer à la gloire du maréchal. Il entendit un cri ces auprès de lui : c'étaient deux hussards qui tombaient, atteints par des boulets ; et lorsqu'il les regarda, ils étaient déjà à vingt pas de l'escorte. [...]
[...] Bien qu'il soit profondément blessé par l'injure du maréchal des logis, comme nous pouvons l'imaginer, il reste lucide et admet un tel rappel à l'ordre. Nous retrouvons encore l'humour de Stendhal lors de la rencontre avec le maréchal Ney. Le langage même de Fabrice est légèrement comique : à coup sûr le jeune noble italien ne pare pas très bien le français pour utiliser le verbe »gourmander »(ligne 21). Un maréchal ne peut gourmander un général comme une mère fait la leçon à un enfant désobéissant ! [...]
[...] Père de rêve, le lieutenant Robert, le vrai père de Fabrice ; échec de la rencontre avec Robert à Waterloo et passage foudroyant de l'Empereur. A propos du bonheur, ne pas oublier réussir dans la vie et réussir sa vie ; Fabrice est un heureux de ce monde en ce sens que rien ne lui manque, ni richesse, ni succès auprès des femmes, ni beauté, ni réussite de carrière ; mais le bonheur , Fabrice le découvrira plus tard et plus secrètement, quand il communique par des signaux secrets avec Clélia, lors de son emprisonnement dans la terrible tour Farnèse . [...]
[...] Nous adoptons le point de vue de Fabrice : nous suivons ses sensations ( bruit et frisson d'horreur, ligne7),nous voyons ce qu'il voit et entendons au même moment que lui les cris et les ordres, nous partageons enfin ses pensées tout en regardant le même spectacle. Bref, nous participons ou du moins nous assistons à la bataille en compagnie du héros. L'incompréhension de Fabrice s'explique donc par cette technique originale de narration, mais aussi par d'autres raisons. Le héros est un jeune italien de dix sept ans qui n'a aucune expérience militaire. [...]
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