Le Spleen de Paris, Charles Baudelaire, Un cheval de race, prosopographie, éloge de la poésie, poésie novatrice, femme vieillissante, blason original, fuite du temps, poème en prose, idéal poétique, idéal esthétique, paradigme esthétique, prostituée, alliage du laid et du beau
Le Spleen de Paris, publié à titre posthume en 1869, est souvent appelé «le Dernier Baudelaire». Inachevé, ce recueil porte également le titre de Petits poèmes en prose, rappelant, dès lors, le projet poétique de son auteur. Association originale de termes qui, jusque-là, apparaissent comme contradictoires : Charles Baudelaire allie la prose et la poésie en une forme brève, en une esthétique du fragment, en une oeuvre poétique novatrice. En proposant ce projet ambitieux, Baudelaire s'affirme comme un pionnier en littérature, même si le poème en prose existait avant lui : pour le poète, la musicalité sera le mot d'ordre de cette forme qu'il s'approprie. Dès lors, ces innovations s'accomplissent aussi dans la disparate thématique des poèmes eux-mêmes. Ainsi, du poème «Un cheval de race» qui s'avère un portrait audacieux d'une femme vieillissante, qui repousse tout autant qu'elle attire. Nous nous demanderons alors en quoi, à travers cette prosopographie d'une femme vieillissante, Baudelaire fait l'éloge de la poésie.
[...] De plus, « Un cheval de race » s'avère être un poème en prose. Dès lors, point de vers, point de rimes dans ce poème : visuellement, ce texte pourrait s'apparenter à un récit, constitué de paragraphes et non de strophes. Charles Baudelaire entend s'inscrire dans une tradition poétique, mais une tradition qu'il renouvelle entièrement. Fort d'une modernité formelle, Baudelaire se plaît aussi à moderniser les approches thématiques dans son blason. Effectivement, les codes de la description sont mis à mal dans « Un cheval de race », et ce, dès le titre qui, de prime abord, ne laisse pas deviner qu'il va s'agir du portrait d'une femme. [...]
[...] Cette femme qui vieillit a subi les affres du temps. Elle est qualifiée de « squelette » (l. par la position d'attribut. La description se poursuit par les marques des années sur le corps : le verbe « mordue » suggère cette agression, renforcée par l'expression « à belles dents » (l. 11). B. Mais toujours vaillante Instantanément, le poète modère ses propos grâce à l'adverbe « vainement » (l. 11). Baudelaire décrit un corps vieilli, mais qui n'est pas à sa fin : le syntagme « Usée peut-être, mais non fatiguée » (l. [...]
[...] Un idéal esthétique et poétique « Un cheval de race » expose cette oscillation baudelairienne entre le laid et le beau, définie comme un idéal poétique à atteindre, une modernité à prendre en modèle. Ce poème, qui par bien des aspects pourrait faire penser à un contre-blason, est bel et bien une louange de la femme décrite, sauf que le paradigme esthétique change avec Baudelaire. Pour lui, ce qui aurait pu apparaître comme laid (« Elle est bien laide » l. se révèle beau. Ainsi de la « poitrine garçonnière » (l. 12) qui se traduit en un « charme vague, mais éternel » l. [...]
[...] En effet, ce « cheval de race » semble être une prostituée, « usée » (l. qui se sert donc de son corps pour gagner sa vie, comme l'indique l'allégorie ironique de « l'Amour » répétée à trois reprises. Cette figure de la prostituée est vue de façon méliorative par le poète, lui qui les aimait tant : « Elle aime comme on aime en automne ; on dirait que les approches de l'hiver allument dans son cœur un feu nouveau » l 16-17). Cette femme, qui pour certains serait repoussante, est au contraire attirante pour Baudelaire : elle est « héroïque » (l. [...]
[...] et de vigueur notamment dans sa chevelure, thème baudelairien s'il en est (« son abondante crinière » l. 8). Ainsi, cette prosopographie d'une femme vieillissante donne lieu à l'expression du temps qui passe et qui, même s'il a parfois prise sur le corps, ne lui ôte pas son dynamisme. Le poète propose dès lors un blason original, qui compare la femme au non-humain. I. Un blason original Charles Baudelaire rédige dans « Un cheval de race » un blason féminin qui déroge aux règles poétiques canoniques : son poème est en prose et la femme est comparée au non-humain. [...]
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