Dans un texte consacré au thème de la loi, Spinoza cherche à la définir de telle sorte qu'il réponde à la question de savoir si, comme on pourrait être tenté de le penser, elle s'apparente à un commandement ou si elle s'en distingue.
Car, et c'est bien le problème, ou bien comme on le pense souvent, la loi n'est rien d'autre qu'un commandement que certains adressent à d'autres, ou bien elle se distingue de l'ordre (...)
[...] Voilà pourquoi on peut dire en effet qu'une loi est une règle qu'on s'impose ou qu'on impose à d'autres : on se l'impose quand on connaît sa fin, on l'impose à d'autres lorsqu'ils n'en connaissent pas la vraie fin. Ainsi donc, contrairement à l'impression qu'on peut avoir, et qu'on ne peut avoir que par ignorance de la vraie fin des lois d'après Spinoza, selon laquelle les lois ne sont pas différentes de commandements que nous imposeraient les représentants de l'État, les lois se distinguent fortement des commandements par leurs fins réelles : elles sont liées à la vie sociale et politique au lieu de nous mettre au service de ceux qui veillent à ce qu'on les respectent. [...]
[...] En un mot que si le pouvoir de l'État est légitime. En effet, si la loi a pour fin réelle des intérêts particuliers, alors non seulement on ne pourra pas se les imposer à soi-même parce que de telles fins ne sont pas raisonnables, mais surtout on ne fera en leur obéissant que se soumettre à d'autres : à ceux qui les font respecter, et par eux, à ceux qui profitent des lois illégitimes. Or, il se trouve que cette condition n'est pas toujours remplie. [...]
[...] C'est précisément à cette question que la suite du texte répond : les législateurs, c'est-à-dire ceux qui font les lois, pour faire respecter ces lois par ceux qui n'en voient pas l'intérêt, ont du ajouter à ces fins d'autres fins dont Spinoza dit qu'elles ne correspondent pas aux vraies fins des lois, celles qu'on pourrait comme déduire des lois elles- mêmes. De sorte que toutes les lois ont ainsi deux fins : la fin vraie, fin en vue de laquelle elle a été conçue et que l'on atteint en la respectant, et, une fin apparente, qui n'est pas du tout ce que la loi vise en réalité, mais qui est nécessaire à son application puisque la vraie fin n'est pas vue. Et quels sont les rapports entre ces deux fins. [...]
[...] Ce qui explique que la confusion entre la loi et le commandement soit possible. Mais, elle ne repose que sur la déraison de ceux qu'il faut menacer : si rendre à chacun ce qui lui revient, c'est-à- dire être juste avec chacun, était vécu comme la seule manière possible parce que raisonnable et juste d'agir, il ne serait pas utile de menacer et la confusion n'existerait pas. Mais en outre, cela signifie que ce qui oppose ces deux hommes, c'est que si l'un est contraint, l'autre est libre puisqu'il agit de lui-même, de son plein gré. [...]
[...] Mais si telle est la cause de l'ignorance de la plupart des hommes quant aux fins visées par les lois, alors on peut comprendre que les lois ne sont rien d'autres que l'expression même de la raison puisqu'elles ne sont comprises que par ceux qui vivent selon la raison. Ce qui signifie que pour eux, la loi n'est pas quelque chose qui s'impose de l'extérieur, mais ce qu'ils s'imposent à eux-mêmes. A l'inverse, elle devra donc être imposée à ceux qui ne vivent pas selon la raison. Pourquoi ? [...]
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