Sorel, auteur de l'Histoire comique de Francion, publiée pour la première fois en 1623, appartient au cercle des poètes libertins dont l'activité consistait en la rédaction de textes souvent érotiques ou blasphématoires.
Le passage à étudier se situe dans le livre sept, moment de l'orgie où se mêlent sexualité et parodie de la religion par le biais notamment de la vénération du « Cul » et du chiffre sept, qui n'est pas anodin et renvoie au septième jour de la création du monde par Dieu (...)
[...] Cependant, l'usage que font les libertins du langage, faculté également commune à tous, doit être différent. Certes, l'opération physique est identique, comme la décrit Francion tel un scientifique qui étudie la mécanique du corps. L'homme est une machine mais il peut s'humaniser par la pensée qui s'élabore à partir du langage. En le mettant en paroles, le sexe va devenir autre Ce pronom indéfini est d'ailleurs répété tout au long du texte pour souligner la création d'une autre réalité par les mots. Ces derniers ne sont pas anodins. [...]
[...] Cette affirmation de l'existence du groupe s'oppose à un autre pronom, eux qui représente le vulgaire ceux qui pratiquent leur sexualité de manière bestiale. Ces derniers apparaissent comme des bêtes qui, à travers le sexe, ne font que saouler leur appétit stupide que satisfaire un instinct sauvage et primitif. Cette métaphore culinaire illustrant davantage le gavage que le raffinement prouve que cette catégorie d'êtres ne pense pas sa sexualité. Les libertins, au contraire, s'en distinguent par la réflexion. Contrairement au vulgaire qui ne [fait le sexe] que du corps, [les libertins] le [font] du corps et de l'âme tout ensemble Pour ces derniers, l'esprit est indissociable de son enveloppe corporelle. [...]
[...] Francion va y remédier. Un discrédit est donc jeté sur la religion qui est ici ridiculisée par la parodie de l'épisode biblique précédemment cité. À l'instar des œuvres des poètes libertins, ce texte est clairement blasphématoire. De plus, la langue que veut créer Francion s'affranchit des jugements moraux, elle ne sera plus véhicule du blâme et surpasse ainsi l'autorité religieuse. Grâce à elle, tous pourront parler librement sans craindre la censure qui s'exerce notamment sur les idées libertines. Par l'élaboration de cette langue idéale, chacun pourra également affirmer son individualité, ses propres pensées. [...]
[...] Ensuite, nous analyserons en quoi le langage constitue une distinction de l'homme. Enfin, nous verrons que parler du sexe équivaut de manière cachée à parler du libertinage en tant que philosophie. I. Une sexualité intellectualisée. Dans ce discours sur le sexe, Francion met en avant une sexualité intellectualisée. Il parle comme un penseur, en énonçant des arguments ; il distingue la pratique des libertins de celle du peuple, qui apparaît comme bestiale, et lie étroitement le corps et l'âme Francion élabore ici une réflexion sur le sexe à travers un discours argumentatif. [...]
[...] Ce passage est le lieu d'une réécriture du don offert par Dieu à Adam de nommer toutes les choses de la Terre pour leur donner une existence. Francion veut donner des noms d'invention à toutes les choses qu'il ne trouverait pas bien nommés D'emblée, il critique l'acte d'Adam et il montre en quoi il est aisé de vouloir modifier des noms. De plus, il reproche à Adam d'avoir mal nommé le sexe puisqu'il apparaît dans le texte sous le mot chose ou par la métaphore des chevilles dans le trou. La religion, ainsi, n'a pas voulu donner de réalité au sexe. [...]
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