Le sonnet qui nous intéresse est le XXIIIème du premier livre des Sonnets pour Hélène de Ronsard édité en 1578 et il se situe dans la première partie du recueil qui s'attache à décrire les symptômes du mal d'amour. Dans la droite ligne de cette thématique, le poète se plaint de souffrir de l'amour qu'il éprouve pour Hélène ; cependant on peut dire que ce sonnet marque une transition car il montre les causes de l'amour, et non seulement le mal d'amour. Après une série de poèmes qui mettent en avant le motif du dissidio (= c'est à dire le mal et le bonheur d'aimer, et la douceur qui résulte de ce mal) dans une tradition pétrarquiste, vient le sonnet XXII qui précède notre poème et apporte une touche triste et grave, notamment par la présence de la thématique de la mort.
[...] En même temps, ce quatrain présente la prémisse d'un raisonnement déductif. II. Le trouble du poète En effet, le second quatrain se lit en relation directe avec le premier, et on peut interpréter la ponctuation (les deux points) comme le signe d'une asyndète explicative, explicitant le raisonnement qui sous-‐tend le compliment galant et qu'on pourrait traduire, comme on l'a dit, par : retirez vos charmes, et je ne serai plus importun La feinte promesse qui semble se sceller par l'emploi du futur seray se fait à la forme négative ne seray plus ce qui est l'occasion pour le poète de dépeindre en creux le trouble amoureux dont il souffre et d'offrir au lecteur son autoportrait, au présent Malgré le respect de la césure à l'hémistiche, les vers de ce second quatrain sont réglés de façon moins stricte que le premier : on remarque un enjambement entre le 6è et le 7è vers ; le vers 7 suit le rythme marqué la diérèse sur furieux et precieux donne l'impression d'une scansion hachée, à l'image du trouble du poète qui montre par la métrique qu'il n'est plus en possession de lui-‐même. [...]
[...] On peut dès lors s'interroger sur l'ordre dans lequel ils sont présentés et sur la signification de chacun de ces charmes. La beauté vient sans surprise en premier, c'est l'impression générale que donne la dame, ce qui la définit de mieux, en référence implicite avec Hélène de Troie, et la beauté représente l'attribut féminin traditionnel par excellence. La jeunesse est mise sur le même plan que la beauté, puisque dans le même vers chaque terme occupe une place décisive, l'un à la césure (soulignée par la virgule dans notre édition), l'autre à la rime. [...]
[...] Les deux vers suivants insistent de nouveau sur le poète et sa passion paroxystique. Le vers 11 est de nouveau perturbé en ce qui concerne la scansion, on note le rythme avec un rejet interne qui mime le trouble du poète. La proximité graphique de l'adjectif fol et du substantif raison a une valeur oxymorique, tandis que le frein est une image visuelle parlante qui dit son absence de volonté. Le terme obéir nié dans le second hémistiche, est aussi celui qu'utilise Augustin quand il parle de l'esprit qui n'obéit plus au corps il est l'indice d'aliénation de l'amant. [...]
[...] La fureur en effet est selon le Littré une passion excessive, démesurée pour une personne elle représente une forme de folie, de perte de soi-‐même que Ronsard évoquait déjà dans la Chanson par le vers : Plus en moi je ne suis (et l'on peut penser aussi au personnage de Chérubin plus tard dans le Les Noces de Figaro de Mozart : Non sono più cosa son, cosa faccio» / Je ne sais plus qui je suis, ce que je fais qui exprime aussi cette aliénation). Cependant, ce terme est aussi celui que privilégie Ronsard pour évoquer l'inspiration poétique. Par conséquent, l'aliénation amoureuse est aussi la source de son inspiration poétique. La rime significative precieux / furieux semble à première vue antinomique, mais en réalité elle exprime le prix de l'inspiration poétique. [...]
[...] Puis nous analyserons l'autoportrait du poète et la peinture de sa fureur dans le second quatrain, avant de nous pencher sur la façon dont ce trouble est propice à l'élaboration d'un compliment galant dans le sizain final. I. Un portrait qui porte présence et absence (Pascal) L'anaphore ostez qui gouverne ce portrait est intéressante à plusieurs égards. Tout d'abord, elle permet une accumulation des charmes de la femme aimée (la beauté la jeunesse le bel esprit l' aller et le parler et fait mine de les 2 mettre sur le même plan, ce qui tend à montrer la cohérence et l'unité de la figure d'Hélène. [...]
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