Louise Labé, cordière de Lyon, discour amoureux, Débat de folie et d'Amour, sonnet XXIV
L'édition complète des oeuvres de Louise Labé est publiée en 1555 à Lyon par Jean de Tournes. Il s'agit d'un recueil exaltant les affres de la passion amoureuse comprenant: une épitre dédicatoire à une amie lyonnaise, le Débat de folie et d'Amour, trois élégies, puis vingt)quatre sonnets d'amour d'inspirations diverses, ainsi que des poèmes ou articles d'hommage à "belle Cordière".
Le sonnet XXIV, écrit en décasyllabes, occupe donc une place particulière puisqu'il ferme le recueil et a pour but de conclure sur les tourments et l'épanchement amoureux. Le débat de l'Amour et la Folie continue jusqu'au dernier sonnet qui semble constituer une mise en garde contre les dangers de l'amour, adressée aux "dames", par laquelle elle appelle à la clémence de ses juges.
Louise Labé paraît-elle justifier, devant son dernier auditoire, la folie d'aimer qui anime son canzoniere, du premier débat aux derniers sonnets ?
[...] "Si en pleurant, j'ay mon tems consumé", c'est en pleurant qu'elle a consumé son temps. Ainsi, le si permet d'expliquer à l'auditoire les raisons et causes des inconvénients de sa passion, d'expliquer pourquoi, en quoi elle est accusée avant de réfuter toutes remontrances. permet ce processus d'auto-correction : "si j'ay failli . gardant en apparence sa valeur hypothétique permet à l'auteure de se reprendre, d'appuyer ses dires. "Si . c'est parce que" suppose forcément un ajout, une justfication potentielle. "Si j'ay senti mile torches ardentes ( . [...]
[...] L'amour, puissance originelle, est pour Louise Labé matière à l'expression poétique. Elle revisite certaines traditions littéraires concernant l'amour et détourne ses prédecesseurs ou ses contemporains. Elle dote aussi ses poèmes d'une certaine musicalité. On la savait avoir appris à jouer du luth étant jeune. Jusqu'au XVIème siècle, la poésie était très liée à la musique et selon Ficin, elle exprimait la folie et certaines parties de l'âme. Elle renouvelle notamment le sonnet Marotique: si elle en suit la structure, le renversement se produit à la fin du second quatrain et au début du premier tercet tandis que traditionnellement le renversement se produit au tercet final. [...]
[...] Tout au long du recueil, des adresses aux femmes sont faites, de l'épitre dédicatoire à Clémence de Bourges dans lequel elle convie les femmes au plaisir de l'étude et des lettres, jusque dans plusieurs élégies, comme l'élégie III.: "Quand vous lirez . Ô Dâmes lionnoises". On note par ailleurs que cette complicité, proximité est amplifiée par cette "délimitation" géographique: Louise Labé, bien qu'elle s'adresse à toutes femmes, a d'abord idée de convier son entourage lyonnais. On devine donc, dans le dernier sonnet, que dans la continuité des apostrophes faites dans le recueil, elle s'exprime pour ce même cercle. [...]
[...] Mais dans ce sonnet final, l'amour n'est pas réellement condamné. Louise Labé fait preuve de facétie et propose une seconde lecture aux dames lyonnaises qu'elles invitent à défier l'amour et à en rendre les variations. Il s'agit en effet d'une conclusion en faveur de l'amour, qu'il soit féminin ou masculin car la folie dépasse l'identité sexuelle. La folie embrase les âmes et les corps et fait de l'amour une force poétique évidente. Le discours est celui de la "non clôture", d'une "délectation dans le chaos du désir" selon les mots de François Rigolot et pour le dernier sonnet, Louise Labé, accusé d'amour devant ses juges féminines impitoyables, ne choisit pas de donner réponse aux débats mais de créer une ouverture vers l'amour -heureuse faute- ,ses dangers et son écriture, par une dernière galipette désinvolte. [...]
[...] Le vers conclusif, "et gardez vous d'estre plus malheureuses", à cet égard, possède une interprétation double. Le vers apparait d'abord comme une mise en garde, une recommandation voire une menace faite aux lyonnaises qui ne sont pas non plus à l'abri de connaître la souffrance d'aimer. La seconde lecture qu'il est possible d'en faire présente une facétie, un pied de nez fait par Louise à ce tribunal bien pensant et également à la censure qui sévissait dans son siècle. Il faudrait y voir un défi lancé aux dames, une antiphrase incitant à l'amour et même à sa prise en main par les femmes. [...]
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