Jean de La Fontaine est un auteur contemporain du XVIIe siècle, âge d'or du classicisme. Poète et auteur de romans, La Fontaine est surtout connu pour ses Fables, composées de trois recueils successifs comprenant 12 livres d'apologues inspirés de sources différentes. En effet, les Fables témoignent d'une évolution de la technique ainsi que de la pensée de leur auteur. Reprenant, dans son premier recueil, des thèmes « familiers » traités par Ésope et Phèdre, La Fontaine présente des évocations pittoresques et concises du monde animal, transpositions plaisantes de la société humaine et de ses travers (Les Grenouilles qui demandent un roi). S'il se sert « d'animaux pour instruire les hommes », il peint aussi ces derniers directement dans des croquis pénétrant (Le Meunier, son Fils et l'Âne), où le langage est adapté au caractère et à la condition des personnages.
Loin de prôner une « philosophie dure, froide, égoïste » (Lamartine), peut-être « dangereuse » (Rousseau), il propose une morale à la mesure de l'homme, où le travail et l'entraide s'allient au culte de l'amitié et de la liberté. Cet épicurisme raffiné s'exprime dans les apologues tantôt lyriques, tantôt réalistes, généralement bâtis sur une structure dramatique simple et utilisant le dialogue. Le mélange des tons, les archaïsmes ou les prosaïsmes savants, les interventions narquoises de l'auteur confèrent saveur et humour à une écriture qui s'appuie sur une versification originale et souple (« vers irréguliers ») et une grande science de l'harmonie suggestive.
« Le songe d'un habitant du Mogol » est extrait du Livre XI des Fables de Jean de La Fontaine. Il est rare que La Fontaine s'exprime directement et se permette des confidences dans son œuvre. Quelques fables cependant contiennent de tels épanchements, surprenants chez un écrivain classique (on peut dans cette perspective se référer au mot de Pascal « Le moi est haïssable »). Ainsi, « Le songe d'un habitant du Mogol » développe durant 22 vers, après un court récit inspiré de l'Orient, une déclaration lyrique sur les avantages de la retraite caractérisée par l'abondance de la première personne du singulier. Dès lors, nous verrons comment l'auteur exploite la structure de la fable pour nous livrer sa conception du bonheur et une réflexion sur son art.
[...] Mais le Songe d'un habitant du Mogol vaut surtout par son lyrisme et son caractère autobiographique, caractères rares à l'époque classique. Fable Le Songe d'un habitant du Mogol Jadis certain Mogol vit en songe un Vizir Aux champs Elysiens possesseur d'un plaisir Aussi pur qu'infini, tant en prix qu'en durée ; Le même songeur vit en une autre contrée Un Ermite entouré de feux, Qui touchait de pitié même les malheureux. Le cas parut étrange, et contre l'ordinaire ; Minos en ces deux morts semblait s'être mépris. [...]
[...] Ici, les deux pièces sont autonomes : le récit (vers 1 à 17) se situe au passé jadis vers dans un lointain exotique certain Mogol et voisine avec le ton de la phrase objective (verbes au passé simple). En revanche, le discours lyrique (vers 18 à la fin) adopte l'alexandrin à rime plate des grands sujets, sans variation de mètre : c'est la subjectivité du poète qui domine alors et sa vision intérieure. Le récit trouve son unité et sa finalité en lui-même (songe, énigme dévoilée) tout comme le discours lyrique (solitude, inspiration poétique, célébration du sommeil, glissement vers le thème de la mort). [...]
[...] Le Je poétique, non sans noblesse, s'identifie au vizir solitaire. Le cadre paradisiaque dans lequel évolue le vizir les champs élysiens vers annonce le cadre pastoral caractérisé par un registre passionnel (vers 19 : J'inspirerais ici l'amour de la retraite ; vers 23 : Lieux que j'aimai toujours où évolue le Je solitaire du poète. Enfin, le songe du Mogol, correctement interprété, révèle le sens du monde : la rêverie apparaît au poète comme une source d'inspiration. C. Un renversement des valeurs La fable permet d'annoncer un renversement des valeurs (les apparences sont ici trompeuses : certains rêves et sommeils profonds ne sont pas synonymes de passivité ; le choix de vie de l'ermite et du vizir n'est pas ce qu'il semble être, vers 16-17). [...]
[...] Jean de La Fontaine, Le songe d'un habitant du Mogol Fables, Livre XI Introduction Jean de La Fontaine est un auteur contemporain du XVIIe siècle, âge d'or du classicisme. Poète et auteur de romans, La Fontaine est surtout connu pour ses Fables, composées de trois recueils successifs comprenant 12 livres d'apologues inspirés de sources différentes. En effet, les Fables témoignent d'une évolution de la technique ainsi que de la pensée de leur auteur. Reprenant, dans son premier recueil, des thèmes familiers traités par Ésope et Phèdre, La Fontaine présente des évocations pittoresques et concises du monde animal, transpositions plaisantes de la société humaine et de ses travers (Les Grenouilles qui demandent un roi). [...]
[...] La cause est évoquée au vers 24 loin du monde et du bruit : ses obligations sociales, la nécessité de trouver et de conserver des protecteurs, de fréquenter des salons et la cour lui pèsent. Deux univers s'opposent ainsi parallèlement en deux hémistiches : l'ombre et le frais et le monde et le bruit avec un jeu d'allitération en et d'assonances en [on]. Les origines champenoises du poète, sa charge de maître des eaux et forêts accréditent son attachement aux vertes campagnes. Mais La Fontaine garde le souci typiquement classique de viser à l'universalité, en ne donnant aucun cadre précis à ces lieux : chacun peut les imaginer à loisir. B. [...]
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