Cet extrait se déroule durant une soirée mondaine où Swann s'est rendu, ce qu'il n'avait pas fait depuis un certain temps. Sa relation avec Odette bat de l'aile et Swann en est très affecté.
L'extrait débute par la petite phrase de la sonate de Vinteuil qui réveille en Swann la douleur de son bonheur passé avec Odette. Il prend ainsi conscience de son état déplorable et a honte de lui-même.
Nous pouvons diviser ce texte en trois mouvements. Dans le premier mouvement (de « Mais tout à coup » à « son corps se trouvait repris »), la petite phrase déclenche pour Swann tous les souvenirs d'un bonheur perdu: Odette semble apparaître en même temps que surgissent des éléments du souvenir. Swann est incapable de maîtriser tous les souvenirs et les douleurs qui s'imposent à lui. Dans le deuxième mouvement (de « A ce moment-là » à « les portes s'en sont refermées »), l'évolution de sa relation avec Odette est évoquée à l'aide de divers éléments venant de ses souvenirs: du moment de son indifférence, jusqu'aux douleurs entraînées par la jalousie. Dans le dernier mouvement (de « Et Swann aperçut » à « C'était lui-même »), Swann se rend compte de sa misérable situation et de l'état dans lequel il se trouve après avoir revécu ces tristes souvenirs.
De quelle manière le souvenir permet-il à Swann de se rendre compte de l'évolution de la situation et de l'état actuel des choses ?
[...] C'est le souvenir involontaire qui lui permet de se rendre compte de cette situation. Ce souvenir fait revivre à Swann le passé, il se retrouve ainsi pris dans un corps qui lui appartenait dans le passé, comme nous pouvons le lire aux lignes 42 à 43 : un réseau uniforme dans lequel son corps se trouvait repris Ce dédoublement est d'autant plus clair à la fin de l'extrait où il est dans la peau du Swann dans le passé et qu'il regarde le Swann du présent sans le reconnaître, aux lignes 85 à 89 : Et Swann aperçut, immobile en face de ce bonheur revécu, un malheureux qui lui fit pitié parce qu'il ne le reconnut pas tout de suite [ ] C'était lui-même Ce regard extérieur et le fait qu'il ne se reconnaisse pas tout de suite permet l'objectivité de lui-même sur lui-même. [...]
[...] C'est durant cette scène, où Odette s'intéresse encore un peu à lui, qu'il se rend compte que son bonheur dépend de la présence d'Odette et que par conséquent son malheur dépend du manque qu'il peut avoir d'elle. Le fait de voir Odette est devenu un besoin pour Swann dès que cela a cessé d'en être un pour elle. Il ne s'est rendu compte de son importance pour lui au moment où elle lui a échappé. La situation se renverse : Odette qui désirait le voir plus souvent, se désintéresse peu à peu de lui, à mesure qu'il s'intéresse à elle. Swann qui se désintéressait d'elle, devient obnubilé par elle, à mesure qu'elle se désintéresse de lui. [...]
[...] La douleur et l'angoisse de Swann ne cesse de grandir. Odette devient pour lui une obsession, comme on peut le lire aux lignes 49 à 51 : immense angoisse de ne pas savoir à tous moments ce qu'elle avait fait, de ne pas la posséder partout et toujours Le besoin de la voir s'est transformé en douleur, comme il est dit ligne 66 : un si invisible et douloureux besoin L'engrenage du plaisir de l'amour vers ses souffrances est évoqué par une métaphore ligne 49 : un trouble halo : le plaisir de l'amour se transforme peu à peu, inévitablement, en douleur, comme une lumière qui se diffuse en cercle s'assombrit à une certaine distance. [...]
[...] Le souvenir le plus intéressant reste celui qui est involontaire et qui est présent en très grande partie dans l'extrait. Malgré toutes ses précautions, Swann se retrouve face aux souvenirs : ils s'imposent à lui et semblent le narguer, lignes 14 à 21 : tous ses souvenirs [ ] s'étaient réveillés et, à tire d'aile, étaient remontés lui chanter éperdument, sans pitié pour son infortune présente, les refrains oubliés du bonheur La force de ce souvenir est due à sa justesse : il se souvient de multiples éléments qui sont en lien et qui forment une unité, comme il est dit ligne 42 un réseau uniforme Le souvenir involontaire retrouve dans cette réalité passée, ce qui en faisait sa spécificité et son essence, ligne 26 à 28 : il retrouva tout ce qui de ce bonheur perdu avait fixé à jamais la spécificité et volatile essence Cette justesse permet à Swann de revivre le passé : du bonheur jusqu'à la douleur. [...]
[...] Il revit les douleurs ; en effet dès que la petite phrase est entendue il ressent une douleur au cœur, comme il est écrit aux lignes 2 à 3 : une si déchirante souffrance qu'il dut porter la main à son cœur Ce souvenir involontaire est brutal par son aspect réel qui fait revivre la situation. Ces souvenirs permettent à l'extrait de faire un bilan sur la relation amoureuse entre Swann et Odette, notamment sur son évolution. Swann a été successivement indifférent à leur relation, troublé par un manque, et enfin transformé par ce dernier. Cet extrait nous permet de revenir sur leur relation amoureuse et sur la vision que Swann en a. [...]
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