Zola ne s'est pas limité à son travail de romancier, il a aussi été un théoricien du genre, notamment dans son essai Le Roman expérimental. Il y définit des tendances nouvelles pour le roman, en rupture avec la tradition classique qui s'était maintenue au XVIIIe siècle, et plus aptes à rendre compte d'un XIXe siècle en pleine mutation. La part respective de l'observation et de l'imagination est un thème constant de sa réflexion critique et son parti pris est clair: l'évolution scientifique du siècle doit gagner la littérature et le romancier doit se faire «romancier expérimentateur », «savant spécial qui emploie l'outil des autres savants, l'observation et l'analyse ».
Pour Zola, la valeur d'un roman se mesure à ce qu'il contient d'observation, non à ce qu'il contient d'imagination, et sont grands les romanciers qui « ont peint leur époque» et non ceux qui «ont inventé des contes ». Il s'oppose en ce sens à ceux qui respectueux de la tradition romanesque, soucieux de créer des « histoires » souvent peu vraisemblables - ce que Zola appelait des « contes » - pensent que « tout grand romancier crée un monde» avant tout. Nous retrouvons ici les deux pôles de la problématique: imaginer ou observer?
Si le roman naturaliste est bien la peinture - précieuse pour nous - d'une époque, ce qui fait surtout son intérêt aujourd'hui, c'est qu'il raconte une « histoire » fictive et fait vivre des personnages, et ce qui en fait sa grandeur, au-delà de son aspect documentaire et narratif, c'est l'écriture originale qui crée l'émotion esthétique et confine parfois à l'épopée.
[...] Dans la deuxième phrase, on passe de l'évocation du lustre Il, dont la hauteur est déjà évoquée par l'adjectif qui qualifie les «flammes de gaz à celle du parterre Puis, des sièges le regard remonte jusqu'au plafond» pour s'accrocher ensuite à rampe» de la scène -la présence du participe passé «haussée» fait immédiatement le lien entre ces deux éléments et longer en un mouvement descendant rideau» dont la verticalité est renforcée par le groupe nominal qui suit: lourde draperie». Cependant, cette description est dominée par un jeu d'impressions qui, elles aussi, permettent de passer d'un élément à un autre. Effectivement, la fluidité de la description naît du lien permanent établi entre les différentes réalités décrites. [...]
[...] Le verbe s'envolaient» renforce ce lien et motive le passage de la description des musiciens à celle des spectateurs. Mais la fluidité de la description dont les différents éléments sont liés par des impressions visuelles et sonores n'empêche pas l'auteur de nous donner un luxe de détails qui se juxtaposent comme par petites touches. La description de la salle peut être qualifiée de réaliste, dans la mesure où elle fournit de nombreuses précisions qui permettent au lecteur de bien se représenter le lieu. [...]
[...] Cette description traduit bien la tentative du naturalisme dont Zola est le chef de file: la volonté de décrire précisément, mais sans idéaliser, en révélant finalement ce qu'on peut lire sous la surface des choses. [...]
[...] [Conclusion] Ce texte, extrait du chapitre 1 de Nana, est donc une description de la salle du théâtre des Variétés, haut lieu de divertissement du Second Empire. Zola nous décrit le spectacle d'une salle qui se prépare avant le spectacle lui-même, en mettant en valeur les impressions qui se dégagent de cette atmosphère, bien étrange d'ailleurs puisque les êtres apparaissent comme des éléments du décor, alors que le décor, lui, s'anime. Enfin, l'auteur souligne le contraste entre le luxe et la pauvreté de la salle, et en souligne tous les signes de décrépitude, symboles d'une illusion qui ne peut tenir longtemps. [...]
[...] Dans son essai intitulé : Le roman expérimental, Zola écrit à propos de certains romanciers : Ils sont grands parce qu'ils ont peint leur époque, et non parce qu'ils ont inventé les contes Que pensez-vous de ce jugement ? Maintenant, la salle resplendissait. De hautes flammes de gaz allumaient le grand lustre de cristal d'un ruissellement de feux jaunes et roses, qui se brisaient du cintre au parterre en une pluie de clarté. Les velours grenat des sièges se moiraient de laque, tandis que les ors luisaient et que les ornements vert tendre en adoucissaient l'éclat, sous les peintures trop crues du plafond. [...]
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