Saint-Amant, « le bon gros saint amant » tel qu'il se qualifie lui-même afin de traduire son appétit de vivre et de sentir, est un libertin de moeurs, un épicurien qui dès 1617 s'engagea contre l'Imitation et préféra la Modernité inspirée, la verve poétique. Cet indépendant virtuose de la Poésie sera essentiellement reconnu pour ses oeuvres héroï-comiques et burlesques, pour son éclectisme et sa marginalité.
Cependant son ode anacréontique à la Solitude semble elle reliée à une tradition plus classique, à une poésie commune au début du XVIIe siècle : celle de l'exaltation des sentiments, de l'évocation de la nature, de l'esthétique baroque, ou encore de l'évocation d'amours déchus.
Cet extrait composé de six dizains en octosyllabes aux rimes d'abord embrassées, croisées puis plates, narrant plus que chantant à première vue l'histoire morbide d'un « pauvre amant » au sein de la nature et au coeur d'une céleste harmonie, semble tisser néanmoins une rupture avec son temps. En effet St Amant mêle les registres tels que le baroque ou le lyrisme et parait élever sa voix, à la fois textuellement dans l'extrait et sensiblement aux lecteurs, pour nous chanter sa solitude heureuse.
[...] L'évocation du temps qui passe, de l'éphémère est un topos lyrique. Les ans mutinés ouvrent les références temporelles, ainsi que l'éternelle évocation du temps passé dont la rime avec effacé renvoie à la mortalité. La nature, elle, reste alors que l'homme passe. En effet, la nature si elle est instable est néanmoins associée à quelque chose de solide : l'« arbre est associé par la lecture verticale au marbre Le bois, matière fragile, cassable, inflammable, d'où l'on peut se pendre et d'où l'on peut tomber jusque dans la cave se trouve soutenu par la pierre, la solidité de la grotte et du marbre. [...]
[...] Il convient d'ailleurs de préciser que la couleuvre est elle-même l'image de la transmutation. De plus tout semble converger du haut vers le bas, les éléments semblant comme attirés par le sol terrible et funeste : St Amant nous montre la décadence les ruines l'image du pendu qui tombe tragiquement vers le sol et la mort, la vision du haut, du Ciel sur la Terre, on semble progressivement s'enfoncer dans la grotte, vers l'oubli. On peut, pour confirmer les mouvements du texte, la dynamique de fluidité baroque, évoquer une ponctuation peu dynamique et la multiplication des liaisons : squelette horrible pauvre amant juge équitable son ombre, aux peines l'age a effacé», lierre y croit céleste harmonie ainsi que celle des liquides tels que dans cette assonance en Dans l es bras de la nonchalance Lâchement couché sur le dos Cette fluidité renvoie à une virtuosité sonore fréquente dans l'esthétique baroque. [...]
[...] Loin d'une pure poéticité, St Amand semble nous conter l'histoire macabre d'un pauvre amant qui se pendit Pour une pauvre bergère insensible Qui d'un seul regard de pitié Ne daigna voir son amitié Les vers 17 à 20, comme une rupture au passé simple dans un extrait entièrement écrit au Présent simple de narration semblent résumer brièvement ce qui conduit le poète à ces vers plutôt morbides centrés autour d'un squelette horrible qui parait être le point de départ de son imagination. On ne sait si cette histoire est réelle ou fictive, mais elle nous est narrée par le poète de manière très descriptive. [...]
[...] En effet, Echo, la nymphe qui fut condamnée par Héra à ne plus pouvoir parler que pour répéter les derniers mots qu'elle a entendus et à qui il ne restait donc d'important que le regard, était amoureuse de Narcisse qui lui, la méprisait : son amant froid et revêche (nous pouvons peut être lire aussi ici le reflet mythologique de l'histoire de l'amant éconduit par la bergère Echo s'enfuit alors dans une grotte solitaire, grotte fraiche évoquée par le poète, où elle se laisse dépérir. Elle fut tellement amaigrie que seuls alors sa voix lui resta. [...]
[...] Il évoque les cris funèbres les rire[s] plus ou moins maléfiques, la sentence ( ) prononc*ée+ les gémissements tout autant finalement que le silence Ainsi c'est sur les sons, le lyrisme sonore, que le poète s'appuie mais s'il insiste sur cette modification progressive de l'œil à la voix c'est pour mettre en avant son hymne à la solitude. Le poète n'écrit en effet pas une ode comme les autres et son lyrisme ne met pas en valeur ses sentiments mais sa voix. Son ode malmenée n'est en effet pas celle d'Anacréon ou de Ronsard. L'ode semble presque ici dédiée au pendu, à la solitude du mort. Il s'exprime sur un personnage qui n'est pas lui, sur un sentiment qui ne le concerne pas directement pour chanter la solitude. [...]
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