La Tragique Histoire d'Hamlet, prince de Danemark, en anglais The Tragical History of Hamlet, Prince of Denmark, fut représentée pour la première fois à Londres en 1600. Le monologue d'Hamlet occupe depuis lors une place de premier plan au sein du théâtre occidental grâce au célèbre raccourci résumant l'angoisse existentielle à une alternative lapidaire : être ou ne pas être. Tout en explorant le thème de l'au-delà, le personnage discourt à propos de l'absurdité de la vie, de l'attraction du néant et de l'intérêt du suicide, s'interrogeant également sur les chemins de la dignité et le désir de liberté. Par sa manière d'aborder ce questionnement, Shakespeare se situe dans le courant esthétique du baroque et dans le champ idéologique de la Renaissance. Notre analyse s'attachera à éclaircir le sens profond du célèbre soliloque en l'abordant selon des points de vue multiples, fondés aussi bien sur l'étude thématique et stylistique que sur les procédés de mise en oeuvre particuliers à la représentation théâtrale.
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Le plus inévitable et le plus classique dans cet exercice de virtuosité périlleuse en quoi consiste le commentaire du texte sans doute le plus célèbre de toute la littérature dramatique occidentale, est d'aborder à un moment ou à un autre l'aspect "Réflexions à propos de la mort" qui occupe la plus grande partie du soliloque.
Nous commencerons par ce thème, précisément parce qu'il constitue la base inévitable sur laquelle il est possible - ou sans laquelle il reste impossible - de construire une analyse plus profonde. Prétendre à une certaine originalité serait sans doute présomptueux, c'est pourquoi nous tenterons de présenter les choses de manière ordonnée. L'éventualité de sa propre mort se présente ici à Hamlet, proche de par la certitude qu'il a de mettre sa vie en jeu dans l'exercice de la vengeance promise à son père le Roi défunt. La faux sans cesse aux aguets, que pour échapper aux affres d'une profonde dépression paranoïde nous faisons mine d'ignorer tout au long de notre existence, menace de s'abattre d'un moment à l'autre. Hamlet est jeune, il est en bonne santé, mais il se trouve mis en danger du fait qu'il conspire contre la vie de Claudius, son royal oncle. Il ne lui est désormais plus possible de jouir de l'illusion viscérale que le terme fatal restera éloigné assez longtemps pour lui laisser le temps de se préparer (...)
[...] La convention théâtrale du monologue consiste à faire dire à voix haute au personnage à voix suffisamment haute pour être entendu des derniers rangs ! ce qu'il penserait normalement dans le silence, et à le faire délibérer de ses secrets les plus profonds devant une multitude bigarrée, comme si nul ne pouvait l'entendre. Pour se rendre compte de ce que cela peut réellement signifier, il est nécessaire d'imaginer ce qu'était une représentation du temps d'Élisabeth, à Londres, au Théâtre du Globe de Shakespeare. [...]
[...] Un drame est, étymologiquement, une action. Action est d'ailleurs aujourd'hui le dernier mot du cinéaste avant une prise. Que notre héros envisage si peu que ce soit l'option "ne rien faire", c'est-à-dire perdre sa dignité, ne laisse pas de nous surprendre, mais c'est la spécificité d'Hamlet, au caractère réfléchi jusqu'à l'irrésolution. b. L'alternative dramatique Si nous nous référons à l'action dramatique, l'alternative est la suivante: - Être, exister : affronter le Roi et tenter de tenir la promesse faite au père assassiné. [...]
[...] Il nous semble que l'image de la mort / sommeil est d'abord liée à la théologie chrétienne de la résurrection. En effet, en bonne théologie, la résurrection de la chair vient à la fin des temps. Si nous nous relevons alors tels que nous sommes aujourd'hui, il en résulte que le temps qui passera entre le jour de notre mort et le jour où nous nous relèverons en chair et en os dans notre corps de gloire peut être appelé sommeil, d'autant plus que cette image s'éloigne de la vision immonde, impensable, de la décomposition du corps. [...]
[...] Ainsi le centre d'intérêt du drame se déplace-t-il des intrigues de Claudius aux réactions d'Hamlet : mélancolie, pessimisme, irrésolution, tentation du suicide, jeu dangereux aux limites de la folie, difficultés à assumer son rôle au milieu des intrigues de la cour du Danemark. On peut encore citer le prince lui-même, à l'acte scène qui dès qu'il se trouve seul pour la première fois dans la pièce, exprime amèrement sa lassitude de la vie : Ah ! [ ] si l'Éternel n'avait pas dirigé ses canons contre le suicide ! Ô Dieu ! ô Dieu ! combien pesantes, usées, plates et stériles, me semblent toutes les jouissances de ce monde ! Fi de la vie ! [...]
[...] Conclusion Au moment de conclure cette étude, force nous est de constater qu'Hamlet n'incarne pas seulement un personnage de fils accablé par un devoir au-delà de ses forces. Le héros vengeur mais irrésolu peut en effet assumer la dimension d'un penseur éclairé de la Renaissance, aussi bien poète que philosophe, tourmenté par les petitesses de la vie, les incertitudes de la connaissance, les angoisses de la condition humaine, et capable de ressentir profondément l'impitoyable réalité du monde dans lequel il vit. [...]
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