Sa seconde surprise de l'amour, acte I, scène XI, Marivaux, valet Lubin, contrainte sociale du mariage, Lisette, Chevalier, marquise, conflit d'intérêt, théâtre Marivaudien
Dans son transfert de la comédie italienne à la comédie française, la Seconde Surprise de l'amour (1727) présente une intrigue analogue à la Surprise de l'amour de 1722 bien que bouleversant certaines composantes : il ne s'agit plus de la découverte du sentiment amoureux sinon de sa résurgence chez ceux qui ont déjà aimés. Les personnages de la Marquise, du Chevalier, de Lubin, de Lisette forment à nouveau les couples classiques de maître-valet.
[...] Entre dispute et accord, cette scène est paradoxale. Elle met en opposition des personnages et pourtant, sa configuration est précisément celle d'un accord entre différents partis. En effet, bien qu'étant au centre du discours et des considérations comme les relèvent les différentes expressions consacrées : « Madame la Marquise », « elle », « ma maîtresse », « votre maîtresse », la nommée est pourtant cantonnée au rôle d'absente de cette étrange assemblée. Bien que sujet de conversation, ou plutôt ‘objet', elle n'apparaît à aucun moment de l'échange qui se donne en secret, dans son dos. [...]
[...] Lisette représente la contrainte sociale du mariage que subissent les femmes. La Marquise doit se marier et la présence du Chevalier n'a d'autre intérêt que celui de donner une bonne image sociale à celle-ci en la mariant. Son discours porte également sur la contrainte du mariage pour les hommes ; elle fait dans sa tirade, le portrait du chevalier qui est empreint de nombreux adjectifs péjoratifs : « sauvage », « noir », « froid », « gelée ». A travers la suivante s'exprime la contrainte sociale qui fait le portrait de l'homme non marié, du Chevalier sous un aspect mortifère : « rendre malade », « les derniers soupirs », « poison froid », « glace l'âme » et bien entendu « vous avez fait vœu d'en mourir ». [...]
[...] On voit donc se dessiner dans les propos de Lisette une image du mariage comme porte de sortie et chemin d'accès. L'honnête homme semble être selon ses propos une simple image, un caractère presque. Ce n'est pas tant l'individu qui apparaît important mais plutôt ce qu'il représente aux yeux de qui ou de quoi ? ; c'est là la question à laquelle notre extrait semble donner une réponse. Omniprésente dans l'extrait, la thématique du regard est perceptible à de nombreuses reprises : tout d'abord, l'itération du verbe de vision est particulièrement frappante : « vous l'avez vue », « dans l'état où je vois », « l'on ne vous voie point ? [...]
[...] Ainsi, on peut considérer qu'il n'y a pas vraiment de surprise de l'amour, mais plutôt une nécessité de l'amour, une contrainte. La pièce de Marivaux, au travers d'un personnage allégorique particulièrement mis en valeur dans cet extrait, offre une nouvelle lecture de la pièce, moins galante, plus sociologique et critique . ●. A u terme de cette étude, nous parvenons à la conclusion suivante : la Seconde Surprise de l'amour n'est pas une simple comédie galante mais bel et bien une pièce aux différentes lectures possibles. [...]
[...] Son discours n'est plus celui de la suivante au service de la marquise, mais plutôt celui de la contrainte sociale : dans les dernières lignes de sa tirade, celle-ci semble s'éloigner de la situation de la pièce vers un discours beaucoup plus général. Il y est question de l'« Histoire », avec un grand H et de la place de l'homme dans celle-ci. « On parlera de vous », « excellent à être cité », ces deux formules quelque peu impersonnelles tendent à édifier le Chevalier à une place d'entité canonisée, mais l'assimile également à être fictif, ou un simple personnage romanesque, comme le souligne la suivante. [...]
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