Dom Juan, Sganarelle, tragi-comique, intrigue, insolence libertine
La scène II de l'acte III ne figurait pas dans l'édition de 1682, et la critique s'accorde à penser qu'elle fut réduite dès la seconde représentation aux répliques indispensables à l'enchaînement des évènements de l'acte III. Cette rencontre dans une forêt, conforme à la tradition tragi-comique, semble avoir pour objet de préparer l'intervention de Dom Juan au secours des frères d'Elvire attaqués par les voleurs. Son inutilité dans l'intrigue invite à y voir un court épisode fermé sur soi, une sorte de fable intérieure à la comédie où Dom Juan n'est plus que le représentant de l'insolence libertine. Mais l'on considère que la scène n'est pas seulement un moment dans le déroulement de la comédie,mais un épisode fermé sur soi dans lequel on pourrait découvrir des significations religieuse et sociale.
[...] Dom Juan qui s'est suffisamment amusé de la foi naïve du pauvre comme il l'a fait de la vertu d'Elvire et de l'innocence de Charlotte, conclue avec une formule particulière sur deux plans. Le premier est que, en 1665, cette expression constitue un jeu de mots blasphématoire construit sur le modèle de la formule chrétienne pour l'amour de dieu le deuxième est qu'elle est en contradiction avec l'attitude conservée par Dom Juan tout au long de la scène qui est la manipulation et le mépris pour l'interlocuteur. [...]
[...] tu n'as qu'à voir si tu veux gagner un louis d'or ou non cette réponse matérialiste s'oppose à l'aspect moral de la révolte du mendiant. En effet Dom Juan use de la nécessité pécuniaire de son interlocuteur pour le manipuler à souhait. En voici un que je te donne, si tu jures, tiens, il faut jurer. A moins de cela tu ne l'auras pas. Prends, le voilà ; prends ; te dis-je, mais jure donc. le rythme saccadé de la réplique traduit l'emportement du libertin. Il joue le rôle de Satan dans la tentation du désert. [...]
[...] Je ne manquerai pas de prier le Ciel qu'il vous donne toute sorte de biens. Entre le pronom personnel je qui est sujet du verbe prier et le vous qui est l'objet du verbe donner la dissonance est claire.cette formule est à mettre en rapport avec une autre formule prononcée par le pauvre plus loin prier le ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose. Les deux formules se renforcent pour mieux mettre en valeur le rôle que s'attribue le pauvre. [...]
[...] Pourtant l'aristocrate y est insensible et continue sa provocation voilà qui est étrange, et tu es mal reconnu de tes soins par la phrase à présentatif voilà qui est étrange dom juan feint d'être intrigué par les conséquences. Il tente de déstabiliser son interlocuteur et jeter le trouble dans son esprit. Sa stratégie consiste à le faire douter de lui- même. Quand le pauvre insiste le plus sur son indigence, Dom Juan veut lui inspirer la révolte. je m'en vais te donner un louis d'or, tout à l'heure, pourvu que tu veuille jurer la tentation est enfin formulée explicitement le motif qui pousse dom juan à faire blasphémer le mendiant est ambigu. [...]
[...] Il s'agit pour eux non pas de dénoncer une inégalité sociale mais de sacraliser une réalité humaine voulue par la Providence à savoir la coexistence des riches et des pauvres. Molière semble mettre l'accent sur l'aspect social de cet échange. En ce sens cette scène est une dénonciation de l'opposition entre l'extrême richesse et l'extrême pauvreté. Elle est aussi une dénonciation de l'imposture religieuse qui maquille cette réalité en la faisant passer pour une relation avantageuse dans les deux sens. [...]
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