La scène de l'aveu est une scène majeure du roman en ce sens qu'elle se situe après l'épisode de la lettre qui nous a fait entrevoir la complicité des rapports entre Madame de Clèves et Monsieur de Nemours, qui se sont enfermés dans un cabinet pour réécrire la lettre d'amour du Vidame de Chartres à Madame de Thémines. Suite à cela, Madame de Clèves, véritablement consciente de son amour pour le duc de Nemours souhaite se retirer à Coulommiers. Son mari comprend peu cette décision et lui fait part de ses doutes. Lors de cette scène, on perçoit une certaine ironie de l'auteur car cet aveu est introduit par la curiosité de Monsieur de Nemours qui veut écouter la conversation entre Madame de Clèves et son mari. Cette scène de l'aveu sera divulguée à la Cour (Nemours va rapporter cette entrevue au Vidame de Chartres qui en parlera à la Dauphine). Suite à la mort de Monsieur de Clèves, Madame de Clèves préférera se retirer plutôt que de céder à Monsieur de Nemours. Ainsi, l'intérêt de cet extrait réside dans la façon dont l'auteur présente Madame de Clèves face à l'aveu : celle-ci semble porter cet aveu entre devoir et morale. Néanmoins, au-delà de cette réflexion morale, l'aveu semble quelque peu "extravagant" pour reprendre le propos de Bussy au sujet de cette oeuvre.
[...] De plus, se "conserver digne d'être" à Monsieur de Clèves paraît totalement invraisemblable puisqu'elle aime Nemours. Puis elle ajoute: "Je vous demande mille pardons si j'ai des sentiments qui vous déplaisent; du moins, je ne vous déplairai jamais par mes actions". Dans cette phrase, la tournure emphatique "mille pardons" sollicite une compréhension totale, et insiste sur le caractère pathétique du personnage. Elle s'excuse de ses sentiments pour un autre prétendant, mais le point- virgule qui suit introduit en quelque sorte une incise qui amène Madame de Clèves à rectifier son propos: "Du moins, je ne vous déplairai jamais par mes actions". [...]
[...] Ainsi, l'incise contredit le propos de Madame de Clèves et nous fait donc douter de sa vraisemblance. Cette contradiction nous amène à nous interroger sur ce qui pousse Madame de Clèves à cet aveu: serait-ce son amour pour Monsieur de Nemours qui l'oblige au point de vue moral à faire cet aveu? Ce début d'aveu semble être porté par l'expression d'une passion, une sorte de pulsion qu'elle ne peut contrôler. 2e mouvement Cet aveu aurait donc une démarche plus fatale que libératrice, sa pulsion la pousse à l'aveu. [...]
[...] 3e mouvement Au début de ce 3e mouvement, on s'attend à ce que Madame de Clèves avoue son inclination pour Monsieur de Nemours, or il n'en est rien. Elle semble se décharger de ses responsabilités en évoquant le danger que représente la Cour. L'auteur semble se jouer de cette attente. Madame de Clèves revient sur la raison pour laquelle elle préfère se retirer quelque temps à Coulommiers: "Il est vrai que j'ai des raisons de m'éloigner de la Cour et que je veux éviter les périls où se trouvent quelques fois les personnes de mon âge". [...]
[...] Suite à cela, la phrase se sépare par un point- virgule qui permet d'introduire un rythme ternaire, concluant ainsi la tirade de Madame de Clèves sur une prière pathétique: "conduisez- moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore". Ce rythme ternaire s'achève sur "aimez-moi encore". Autrement dit, Madame de Clèves semble vouloir sauver son couple alors qu'elle est amoureuse de Nemours. On comprend donc mal le but de sa démarche. Le "si vous le pouvez" conclut le passage, et met ainsi fin à la prière. Cet aveu aurait donc un dessein moral avant tout? [...]
[...] Madame de Clèves se présente en jeune femme innocente et naïve face à la Cour, ce qui lui permet de se décharger de toutes responsabilités envers l'inclination qu'elle a pour Monsieur de Nemours. Dans la phrase suivante, Madame de Clèves prend conscience du danger qu'elle prend, néanmoins, elle veut prendre une décision qui lui permette "d'être digne" de son mari. "Je le prends avec joie pour me conserver digne d'être à vous". Le "avec joie" résonne faux puisque dans l'épisode de la lettre qu'elle réécrit avec Nemours, elle éprouve cette "joie [qui] lui donnait une liberté et un enjouement dans l'esprit". L'aveu ne vient donc pas d'une démarche réellement sincère. [...]
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