- Jean-Paul Sartre (1905-1980), écrivain et philosophe du XXème siècle, a été orphelin de père et a alors été élevé essentiellement par sa mère et son grand-père maternel : Charles Sweitzer.
- Dans Les Mots (1964), sa dernière oeuvre et son autobiographie, il a choisi de raconter à travers le récit de son enfance uniquement, la cadre familial dans lequel il a grandi : un milieu d'intellectuels bourgeois porté sur le « culte du livre » ; d'en faire une critique assez sévère qui vise à dénoncer le fait que ce conditionnement familial l'a un peu coupé du réel.
[...] - Une autobiographie n'est pas uniquement pour l'auteur un rapport chronologique de faits, mais c'est aussi une façon pour lui de faire le point sur ses sentiments, sur lui-même.
- Il est fait mention ici de la difficulté de l'insertion de Sartre, qui s'accompagne alors d'un sentiment de rejet, d'une impression d'être invisible : « Ils me frôlaient sans me voir » (l.2), « leur indifférence me condamnait » (l.10), « nul ne m'invitait à jouer » (l.16), « qui n'intéressait personne » (l.11), « toujours exclus » (l.24)
- Ce mal-être de Sartre s'accompagne alors d'un vocabulaire pathétique : l.18 : « désespoir, souffrir », l.24 « implorants », l.2 : « yeux de pauvre », l.22 : « suppliais », l.24 : « exclus »
- Nombreuses négations pour insister sur cela : « qui n'intéressait personne » (l.11), « l'occasion ne m'en fut pas donnée » (l.9), « ni merveille, ni méduse » (l.11), « nul ne m'invitait » (l.16) (...)
[...] Elle désignait des dames qui tricotaient sur des fauteuils de fer : Veux-tu que je parle à leurs mamans ? Je la suppliais de n'en rien faire ; elle prenait ma main, nous repartions, nous allions d'arbre en arbre et de groupe en groupe, toujours implorants, toujours exclus. Au crépuscule, je retrouvais mon perchoir, les hauts lieux où soufflait l'esprit, mes songes : je me vengeais de mes déconvenues par six mots d'enfants et le massacre de cent reîtres. N'importe : ça ne tournait pas rond. [...]
[...] rythme qui mime l'élan vers autrui puis le repli vers la solitude : l.20- 21 : je mettais mon orgueil à ne pas les solliciter = repli vers la solitude. ( Il souligne alors par ces accumulations l'effritement du héros qu'il est dans son milieu bourgeois : il parle de privilèges qui n'ont plus aucune valeur au contact de la réalité. Adoré dans sa famille, il est ignoré face aux enfants. Au lieu de l'admiration qu'il a l'habitude de susciter ("merveille", l.11), au lieu de la curiosité mêlée de répulsion qu'inspire une créature bizarre ("méduse", l.11), c'est l'indifférence qu'il suscite ("ils me frôlaient sans me voir", l.2). [...]
[...] Regard sans complaisance de l'adulte se souvenant I. Souvenirs d'enfance Description objective : (Cette objectivité se marque par le fait qu'il y a peu de détails, seulement ceux dont Sartre est certain : sur le lieu, le décor : Sur les terrasses du Luxembourg des dames qui tricotaient sur des fauteuils de fer (l.21) Sa mémoire n'a pas retenu de détails précis, hormis des choses évidentes. ( Présence de l'imparfait narratif : des enfants jouaient qui aussi parfois une valeur durative : j'attendais (l.5) et surtout répétitive, pour insister sur l'aspect répétitif des promenades de Sartre avec sa mère où chaque fois il rentrait sans avoir réussi à jouer avec les autres enfants : Elle prenait ma main, nous repartions, nous allions d'arbre en arbre et de groupe en groupe (l.22-23) Expression des sentiments : ( Une autobiographie n'est pas uniquement pour l'auteur un rapport chronologique de faits, mais c'est aussi une façon pour lui de faire le point sur ses sentiments, sur lui-même. [...]
[...] Les Mots, Jean-Paul SARTRE Texte étudié: Il y avait une autre vérité. Sur les terrasses du Luxembourg, des enfants jouaient, je m'approchais d'eux, ils me frôlaient sans me voir, je les regardais avec des yeux de pauvre : comme ils étaient forts et rapides ! Comme ils étaient beaux ! Devant ces héros de chair et d'os, je perdais mon intelligence prodigieuse, mon savoir universel, ma musculature athlétique, mon adresse spadassine ; je m'accotais à un arbre, j'attendais. Sur un mot du chef de la bande, brutalement jeté : Avance, Pardaillan, c'est toi qui fera le prisonnier j'aurais abandonné mes privilèges. [...]
[...] ( Il est intéressant de voir l'objectivité avec laquelle il raconte ses souvenirs d'enfance, comme si l'enfant qu'il était n'était pas cet adulte qu'il est devenu. [...]
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