L'auteur nous livre alors avec le plus de fidélité possible au passé un souvenir d'enfance, sans cacher au lecteur le travail tant sur sa mémoire que sur la justesse des mots qu'elle emploie (I). Elle nous décrit alors l'école et l'exercice scolaire de la dictée comme un refuge pour l'enfant dans lequel elle vit autrement. (II) Mais la dictée est loin d'être pour la jeune fille une simple activité d'écolière, et s'apparente à un jeu dans lequel le souci de perfection, préoccupation qu'elle retrouve plus tard dans son travail d'écrivain, éveille en elle des passions (III) (...)
[...] Le trait doit être parfaitement droit et net. La maîtresse se promène dans les travées entre les pupitres, sa voix sonne clair, elle articule chaque mot très distinctement, parfois même elle triche un peu en accentuant exprès une liaison, pour nous aider, pour nous faire entendre par quelle lettre tel mot se termine. Les mots de la dictée semblent être des mots choisis pour leur beauté, leur pureté parfaite. Chacun se détache avec netteté, sa forme se dessine comme jamais celle d'aucun mot de mes livres et puis avec aisance, avec une naturelle élégance il se rattache au mot qui le précède et à celui qui le suit . [...]
[...] Plus qu'un exercice, Sarraute nous décrit ce qu'elle qualifie elle- même d'un jeu dont elle nous expose les règles. En effet, tous les éléments semblent rassemblés pour établir une parallèle entre l'exercice de la dictée et un jeu. Il y a tout d'abord les écolières présentes dans cette scène. Comme sur un pied d'égalité (dans leur description, aucune jeune fille ne se distingue d'une autre), les fillettes seraient les joueuses. Il y a la maîtresse qui, apte à juger les jeunes filles, arbitrerait l'ensemble. [...]
[...] Dans cet extrait, Nathalie Sarraute s'expose à cette gêne et c'est dans le début du texte qu'elle nous l'expose, comme pour introduire le souvenir décrit quelques lignes plus loin. En effet, les hésitations sont retransmises au lecteur comme si devant nous elle faisait part de la difficulté éprouvée à choisir le terme le plus exacte pour décrire le souvenir. Ainsi préfère-t-elle les termes pressentiment d'une vie à sentiment [d'une vie] et autre vie à vie ( ) plus intense L'auteur aurait pu choisir de nous écrire plus directement que se retrouver à l'école dégageait quelque chose qui [lui] donnait dès l'entrée le pressentiment d'une autre vie mais, elle effectue ici un réel travail, et nous l'expose, sur la signification des mots pour être le plus fidèle possible à son passé. [...]
[...] En effet, même si comme toute écrivain qui s'engage dans une telle entreprise, elle se heurte aux difficultés de la mémoire et à la signification des mots pour exprimer un sentiment passé, elle réussi à saisir des instants de son enfance et à le mettre sur papier. C'est à travers un style d'écriture original qu'elle nous montre un travail effectué sur la mémoire, et une recherche du mot idéal. Cette recherche de perfection n'est pas récente. Elle l'a en effet connu dès ses premiers contacts avec les mots à l'école. [...]
[...] Il s'agit alors pour Sarraute enfant d'atteindre un idéal, la perfection grammaticale tout en respectant les règle[s] qu'impose la langue. On comprend ainsi tout le champ lexical de la précision : habilement distinctement netteté parfaitement droit et net L'enfant se prête au jeu et implique tout son être dans l'exercice : toutes mes forces se tendent Le jeu l'anime de passions que l'auteur se charge de nous retransmettre une légère angoisse mon contentement nouvelle inquiétude Ces sentiments que l'enfant ressent pourraient alors être l' excitation éprouvée lors d'un jeu. [...]
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