La nouvelle de Sarrasine, malgré les études diverses qui lui ont été consacrées, demeure un des textes les plus étranges de Balzac. Elle comporte deux récits : l'un se situe en 1830 dans le salon des Lanty lors d'un bal au cours duquel l'on rencontre un mystérieux vieillard et le second est le récit d'une aventure survenue à Rome au cours du 18e siècle. Elle pourrait se classer simplement dans les narrations faites par un personnage au cours d'une conversation avec d'autres. Pourtant, le récit-cadre y est aussi important que le récit enchâssé, d'une part parce qu'ils sont de longueur quasi-égale et d'autre part parce que l'un est intrinsèquement lié à l'autre et réciproquement. Aussi, le récit nous extrait très vite de toute vraisemblance, car le narrateur n'a pu être témoin de l'histoire et Sarrasine est mort avant d'avoir pu parler. La confusion nait déjà de cette organisation du récit. Puis, de confusion en confusion et dans une « atmosphère fantastique » (p.1043), les identités et les sexes se brouillent.
[...] L'aspect maladif du corps du vieillard renforce son ambisexualité. Cependant, le caractère féminin y est clairement affirmé par la coquetterie féminine et les boucles d'oreilles, l'apparence de l'idole japonaise (marquant une forme d'éternité) et celle de là statue bien que toutes ces qualifications fassent naitre plusieurs femmes idéales et ne construisent pas l'image d'une femme à part entière. Cependant, face à la jeune femme dont le cou, les bras et le corsage étaient nus et blancs se révèle cet homme en poussière (p.1053); contrebalancé dans la même phrase par une arabesque imaginaire une chimère [ ] divinement femelle par le corsage A l'image de l'assemblée, on ne cesse d'hésiter sur l'identité du vieillard. [...]
[...] Ainsi, Filippo est d'emblée associé aux membres féminins de sa famille, car il tenait comme sa sourde la beauté merveilleuse de la comtesse mais aussi à l'Antinous, favori d'Hadrien dont on dit qu'il était d'une grâce efféminée son côté féminin est contrebalancé par les sourcils vigoureux et le feu d'un œil velouté [qui] promettent pour l'avenir des passions mâles Il demeure comme un type dont il est difficile de déterminer franchement l'identité sexuelle ,relevant presque d'un être irréel. Aussi, Marianina est présentée comme un personnage essentiellement féminin, cependant par sa généalogie, elle symbolise la résurrection de son arrière- grand-oncle Zambinella dans sa jeunesse et porte donc en elle une identité masculine. Cette ambisexualité semble essentielle dans le récit, car elle est intrinsèquement liée aux émois érotiques. Notons ici l'interjection liée à la première apparition de la Zambinella: Zambinella! Jomelli! qui lie masculin et féminin, et qui marque le premier choc érotique du narrateur. [...]
[...] Sarrasine semble lui-même devenir un être stérile, du moins inapte à aimer comme l'est la Zambinella. De la même façon, la marquise repoussera les avances du narrateur. La transfiguration esthétique Il semble donc bien que, au fur et à mesure du récit, l'identité sexuelle de la Zambinella disparaisse dans un double mouvement de réapparition- transfiguration, pour que cet être ne devienne qu'un objet esthétique. La beauté du modèle doit, en effet, combiner les caractères masculins et féminins pour que le passage d'un sexe à l'autre soit possible. [...]
[...] Ainsi, elle ne peut être la semblable de ce dernier. Les personnages s'opposent alors: la vitalité déficiente de Zambinella suscite paradoxalement une irrésistible fascination chez Sarrasine. Il semble bien qu'il y ait une double Zambinella, du point de vue de son attitude en lien avec Sarrasine. Il y a la femme émancipée sur scène, la femme qui est affligée par un amour auquel Sarrasine doit renoncer et celle qui face à la violence du caractère de Sarrasine, se retranche dans une modestie de jeune fille De même, que Sarrasine renforce le caractère féminin de la Zambinella, elle-même apporte au sculpteur une tendance plus féminine. [...]
[...] En outre, le nom de Zambinella est tardivement révélé. Le corps du castrat garde longtemps son mystère, sous l'apparence du mystérieux vieillard fardé, puis sous les voiles, les jupes et les corsets de la prima donna (p.1064), enfin derrière l'habillement masculin et l'épée de côté du chanteur. Les mentions relatives à l'aspect physique de la Zambinella sont brèves et abstraites. Il n'y a aucune appréciation esthétique. Seule une indication reste très équivoque: pareil à celui qu'elle aurait fait d'une rivale rivale de Madame de Rochefide, laissant suggérer la prédominance d'une identité féminine. [...]
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