Comme pour l'oeuvre Rashômon et autres contes d'Akutagawa, nous sommes encore avec le roman Sanshirô de Sôseki sous l'ère Meiji, époque de transition économique, industrielle, mais surtout culturelle pour le Japon. En effet, le Japon sous l'influence occidentale penche de plus en plus vers le modernisme laissant dans les provinces et les campagnes les traditions ; tel est le cas du héros du roman Sanshirô qui débarque à Tôkyô et où tout lui paraît étranger. Le passage que nous allons étudier sous forme de commentaire composé se situe au chapitre III et que nous pourrions intituler "la seconde rencontre", passage qui fait donc écho avec la première rencontre entre Mineko et Sanshirô (...)
[...] Cette rencontre des deux êtres que sont Mineko et Sanshirô permet à l'auteur Sôseki de dévoiler toute la poésie de son écriture (tout comme à la page 47). En effet, cela se voit très nettement à travers les longues descriptions vestimentaires et physiques. Sôseki anime son récit comme un peintre donnerait vie à sa toile, il établit parfaitement la corrélation entre peinture et écriture, entre ces deux arts. Il établit des correspondances notamment dans la description du vêtement de Mineko : le couleur de son kimono qui évoquait le reflet changeant des arbres toujours verts ; seule flottait la lueur verte de ce début d'automne le champ lexical de la couleur met en avant cette écriture picturale et poétique. [...]
[...] Ainsi, pour condamner l'hégémonie occidentale sur le Japon et sur sa culture, il ajoute toutes ces allusions sarcastiques. Ces dernières ne font que respecter ce qu'avait dit Sôseki lors de sa conférence de 1914 devant des étudiants qui l'écoutaient dénoncer la façon dont on lui avait enseigné l'anglais : donner les dates de naissance et de décès de Wordswooth, le nombre de pages écrites par Shakespeare ou la liste dans l'ordre chronologique des ouvrages de Walter Scott : est-ce cela la littérature anglaise C'est ce que nous rapporte la préface à la page 16. [...]
[...] Ce passage nous permet aussi d'apprécier tout le style d'écriture de Sôseki, une écriture poétique où s'affirme perpétuellement le souci du détail. Ce passage comme la quasi-totalité du roman nous oblige à rechercher les raisons profondes pour lesquelles certains personnages font tels ou tels choix incompréhensibles pour le lecteur, comme le choix (conscient ou inconscient de Sanshirô de ne pas voir les signes, de rester ainsi stoïques en permanence en présence de Mineko. En lisant les œuvres de Sôseki ou d'Akutagawa, il est toujours primordial de garder en tête le contexte de l'époque, le contexte historique. [...]
[...] A travers l'œuvre, Nonomiya semble être son concurrent directe et ici plus qu'ailleurs. Dans ce passage, après cette réflexion à la pointe du détail, le narrateur nous fait part de toute la déception de Sanshirô ainsi que son mal-être : Les jambes de Sanshirô se firent soudain lourdes sous lui ; Je ne me sens pas très bien aujourd'hui Le voilà dès lors perplexe et c'est pour cela que d'emblée il ira questionner Yojirô : Est-ce que tu pourrais me dire ( ) Je croyais que c'était seulement en été Il questionne habilement son camarade pour en tirer une réponse décisive. [...]
[...] Et à chaque fois que Sanshirô rencontre Mineko, il reste passif, muet et a toujours cette volonté irréaliste d'arrêter le temps. Sanshirô n'arrivera jamais à séduire Mineko qui à la fin se mariera avec un autre. Sanshirô est un peu l'égal nippon de notre Frédéric Moreau français de L'éducation sentimentale de Flaubert, lequel à l'instar de Sanshirô ne sera jamais avec celle qu'il a toujours aimé, c'est-à-dire Marie Arnoux. Sanshirô est, non pas comme la préface l'indique une éducation manquée dans sa globalité, mais certes avortée d'un point de vue sentimental. [...]
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