Jules Laforgue, "ce rêveur lunaire", écrit dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Ce poète au destin tragique raconte avec talent son mal-être. Comme Verlaine, Baudelaire, ces hommes de lettres, Jules Laforgue ne parvient pas à se faire une place dans la société. Il meurt à l'âge de 27 ans, laissant derrière lui une oeuvre inachevée mais prometteuses. Dans ce sonnet, extrait du recueil Le Sanglot de la Terre, il nous évoque un voyage onirique qui l'éloigne de notre monde cruel et sordide et l'emmène vers son "paradis", un univers "fantastique". Mais quels sont les enjeux de ce voyage onirique ? (...)
[...] D'ailleurs dans le recueil de Jules Laforgue Le Sanglot de la Terre, le poète consacre toute une section s'appelant également Spleen. Le mal-être du poète passe donc par la prise de conscience de la mort par un souci d'affirmer ses différences et son identité et par l'ennui que lui inspire notre monde. Laforgue tente alors de s'évader, de chercher refuge dans un univers moins triste et angoissant. La religion pourrait être le moyen à Laforgue de fuir notre monde. Mais l'écrivain refuse toute perspective après la mort : il rejette avec mépris l'idée d'un paradis, d'un au-delà. [...]
[...] En effet, il affirme : mon cœur est plein d'une douce joie Le nom joie a une connotation méliorative mais celle-ci est atténuée par le terme douce Ce bonheur à peine conquis semble déjà menacé. Tout porte donc à croire que l'écrivain devra tenter de nouveau ce voyage onirique et consommer encore une fois de la drogue. Cependant, Jules Laforgue semble avoir trouvé une solution pour transcender son vague à l'âme : l'écriture. On peut, en effet, relever l'expression en songeant à mes vers Les vers revoient à la poésie. Laforgue va donc essayer le voyage poétique pour soulager sa douleur. [...]
[...] Jules Laforgue reprend alors les motifs de la tragédie grecque, un théâtre qui met en scène l'impuissance des Hommes face à la puissance des Dieux. Par exemple, on peut citer la tragédie de Sophocle du IVe siècle avant Jésus-Christ, Œdipe Roi. Laïos et Jocaste, le Roi et la Reine de Thèbes sont prévenus après avoir consulté la Pythie que s'ils donnaient naissance à un fils, celui-ci tuerait son père et épouserait sa mère. La pièce montre qu'Œdipe ne peut échapper à la fatalité : l'Oracle se réalise. [...]
[...] Laforgue ne peut plus se passer d'un voyage vers ce pays, cela devient un besoin vital, un peu comme une drogue Ainsi à la relecture l'expression fines cigarettes nous frappe. On peut se demander s'il ne s'agit pas en réalité de drogue. Cependant l'adjectif fines a une connotation laudative. L'auteur ne va donc pas nous présenter la cigarette comme quelque chose de mauvais, de destructeur mais il va plutôt souligner son côté bienfaiteur. En outre, dans la deuxième strophe, Laforgue nous fait assister à la naissance d'un méandre bleu la fumée devenant grâce à la métaphore et la magie du verbe, un chemin susceptible de nous mener vers un autre monde. [...]
[...] Commentaire littéraire Oui, ce monde est bien plat Laforgue Sonnet étudié : Oui, ce monde est bien plat ; quant à l'autre, sornettes. Moi, je vais résigné, sans espoir, à mon sort, Et pour tuer le temps, en attendant la mort, Je fume au nez des dieux de fines cigarettes. Allez, vivants, luttez, pauvres futurs squelettes. Moi, le méandre bleu qui vers le ciel se tord Me plonge en une extase infinie et m'endort Comme aux parfums mourants de mille cassolettes. [...]
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