Samuel Beckett et sa vision du monde théâtral

Résumé du document

« Le théâtre », écrit Henri Gouhier, dans Théâtre et existence, ne fait pas appel à des catégories qu'il aurait le privilège de créer. Le drame est dans le monde avant d'être sur la scène. Les Grecs ont créé leur tragédie pour exprimer la situation tragique de l'homme dans l'univers.
Ainsi, la fonction du théâtre, et, bien plus, son essence même est de représenter une vision du monde.
Dés son origine, le théâtre a été la cérémonie par laquelle l'homme se situait dans le monde et dominait celui-ci par la représentation. L'angoisse de l'homme face à un univers qu'il s'expliquait mal, sa révolte face à la mort, l'injustice des Dieux, se résolvaient par la magie du théâtre.
Représentation de l'univers, le théâtre est aussi la représentation de l'homme par rapport à cet univers : une vision anthropocentrique du monde. Car le monde sans la présence humaine cesse d'être « dramatique » au sens étymologique.

Extraits

[...] Or, la fonction du théâtre est de signifier à la fois objectivement et d'une manière implicite. Il faudrait préciser ce qu'est l'objectivité au théâtre ; mais la vision du monde d'un dramaturge est objective le temps de la représentation, en ce sens qu'elle fait loi et impose sa vérité pendant la durée du spectacle ; et c'est ce qui importe ici. Le théâtre, d'autre part, doit signifier de manière implicite et c'est ici qu'intervient la fonction médiatrice de la poésie : que cette poésie réside dans le langage même, et c'est la première transmutation du discours philosophique, dans l'image scénique ou dans la situation symbolique. [...]

[...] - Clov : - Mais que veux-tu qu'il y ait à l'horizon ? - L'espace et le temps Beckettiens appartiennent à l'informe = une route, la nuit un arbre mais aussi à l'infini, une un indéfinis, ouvrent le champ à un décor sans repères ni identité. Les personnages errent dans un temps dilué, à la fois lent et répétitif qui brouille tous les ancrages = quand ? Hier ? Je ne sais pas où étais-tu ? [...]

[...] Les Grecs ont créé leur tragédie pour exprimer la situation tragique de l'homme dans l'univers. Ainsi, la fonction du théâtre, et, bien plus, son essence même est de représenter une vision du monde. Dés son origine, le théâtre a été la cérémonie par laquelle l'homme se situait dans le monde et dominait celui-ci par la représentation. L'angoisse de l'homme face à un univers qu'il s'expliquait mal, sa révolte face à la mort, l'injustice des Dieux, se résolvaient par la magie du théâtre. [...]

[...] L'existence humaine se trouve limitée en partie par l'univers : par l'espace, lieu géographique bien sûr, mais aussi par l'espace symbolique qui le recouvre et qui est tissé par la perception de l'homme, sa subjectivité, sa relation affective avec ce qui l'entoure, et par là, le révèle et le modifie ; Par le temps, le présent, l'avenir et surtout le passé qui développent les virtualités de l'homme, l'étouffent sous leur poids et tissent son destin. L'homme l'existence ; la mort, la transcendance Avec la mort, l'existence humaine et l'univers se rejoignent pour poser le problème de la transcendance et de l'existence de Dieu. Espace et temps définissaient les bornes d'une vie concrète, au-delà, il faut s'affronter à la question ontologique qui hante le théâtre Beckettien : Dieu existe-t-il ? . [...]

[...] Dans quelle mesure une esthétique différente exprime-t-elle une vision du monde bouleversée ? L'esthétique théâtrale exprime-t-elle une sensibilité nouvelle en retrouvant et récrivant des thèmes éternels, ou ceux-ci ont- ils fait place à de nouveaux mythes ? Le théâtre et la réalité Cosmogénèse et ontogénèse à ses origines, le théâtre s'est désacralisé, depuis la tragédie antique, au cours des siècles, avec les progrès de la civilisation et l'exaltation de l'individu. L'intrigue, l'anecdotique, se substituent au mythe, la morale sociale à la métaphysique, la psychologie et la vraisemblance à la poésie. [...]