Le Salon officiel de 1880, Joris-Karl Huysmans, Gustave Moreau, peinture, art, esthétique, manifeste artistique
À propos de ces pages, qui ressortent au genre littéraire du salon, on peut se poser la même question que pour les autres textes du genre : le texte du salon nous en dit-il plus sur ce qui est vu, ou sur celui qui voit et sa manière de voir ? En l'occurrence, cet article nous en dit-il plus sur Moreau, ou sur le regard et les conceptions esthétiques d'Huysmans ?
[...] Un texte manifestataire Car en effet, Huysmans, tout en donnant un aperçu des vertus intrinsèques de la peinture de Moreau, montre une forme d'équivalence entre ces vertus et les recherches esthétiques de la décadence dont il rêve, et qu'il veut incarner. La première caractéristique de l'?uvre moraldienne dont Huysmans fasse l'éloge, c'est le raffinement : sa peinture est « singulière exquise », son « art si délicieusement raffiné ». Seconde caractéristique, l'onirisme : c'est une ?uvre de « visionnaire », faites des « rêves visibles » issus du « cerveau d'un mangeur d'opium ». [...]
[...] Le Salon officiel de 1880, extrait - Joris-Karl Huysmans (1883) - Cet article nous renseigne-t-il davantage sur Moreau ou bien sur le regard et les conceptions esthétiques d'Huysmans ? Intoduction La fascination que J.-K. Huysmans éprouvait devant les toiles de Gustave Moreau traverse en diagonale l'?uvre de l'écrivain : en 1884, il consacre un tiers du chapitre V. d'À Rebours à une description poétique des quelques tableaux moraldiens ; et l'on retrouve dans ces pages savoureuses les mêmes traits d'éloges que dans l'article de 1880 intitulé « le Salon de 1880 » et publié dans L'Art moderne en 1883. [...]
[...] D'autres procédés caractéristiques de l'écriture décadente s'observent : l'à-peu-près de certains tours (« plus indéfinissable ») ; la force saisissante de certains syntagmes nominaux (« les aquarelles barbares de l'antique orient ») ; l'utilisation de tournures presque orales (« il y a de tout là-dedans ») ; l'asianisme de la surcharge adjectivale (« une flore minérale étrange croise ses pousses fantastiques et entremêle les délicates guipures de ses invraisemblables feuilles »). Notons enfin que les comparaisons recherchées, frappantes qu'emploie Huysmans, et qui ne sont pas sans rappeler la table de dissection et le parapluie de Lautréamont, contribuent à forger ce style décadent qui est avant tout une écriture de l'étrange - tout comme Moreau est une peintre de l'étrange. [...]
[...] On sent donc qu'un esprit partisan (ce qui ne veut pas dire partial) anime Huysmans lorsqu'il définit l'esthétique de Moreau : il cherche non seulement à nous faire sentir la spécificité de son ?uvre, mais aussi à en célébrer la dimension décadente, s'alliant ainsi l'un des plus grands peintres du siècle dans un texte qui prend, dès lors, une teneur manifestaire. Conclusion Nous avons pu constater, au fil de cette étude, que les enjeux du texte de salon sont multiples : s'il s'agit sans conteste de permettre au lecteur de se faire une idée des ?uvres picturales exposées lors d'un salon, et de connaître l'avis de son contemporain, il ne faut pas oublier la fonction manifestaire de ce type de texte : l'auteur se sert du salon pour produire une affirmation esthétique qui transcende les ?uvres observées. [...]
[...] Le salon consiste à donner à voir des tableaux que le lecteur peut ne pas avoir sous les yeux ou en mémoire, et à formuler un avis esthétique à leur égard. En cela, l'article de Huysmans est pour le moins académique : l'auteur commence par annoncer les qualités spécifiques de l'?uvre de Moreau. Il postule d'abord l'originalité technique de son ?uvre, qui ne « semble plus appartenir à la peinture proprement dite » : il la crédite d'emprunts à des arts (« gravure », « aquarelles », « enluminure ») et à des artisanats (dentelle, « nielle », « céramique », « joaillerie ») fort divers. [...]
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