Le poème Salomé se situe entre deux courts poèmes, L'Adieu et La porte qui, tous deux, participent à la thématique de la séparation. Apollinaire y utilise le thème biblique de la danse de Salomé, figure machiavélique et instrument de sensualité, et le transpose dans un univers fantaisiste. En fait, ce texte évoque la peine causée à l'auteur par Annie Playden, jeune gouvernante anglaise d'une famille allemande alors qu'il y est précepteur, qui l'a éconduit. La cruauté de la jeune femme est transposée sur le plan légendaire et Apollinaire donne ici un sens universel à sa situation, en voyant au travers de ces figures féminines l'illustration de l'éternel féminin (...)
[...] En tuant Jean-Baptiste, Salomé n'a pas anéanti la mission prophétique d'où le sentiment de l'inutilité du meurtre, souligné par le présent à valeur intemporelle : Son bâton refleurit sur les bords du Jourdain (vers 10). Enfin, on notera que le motif de la décapitation est un thème récurrent dans Alcools Zone Le Brasier Les Fiançailles qui se situe dans la dialectique mort-renaissance, rendant compte de l'inutilité du meurtre. Le motif de l'enterrement Tout comme l'état mental de l'héroïne, le poème s'achève, par une cinquième strophe, sur une vision totalement imaginaire et fantaisiste. L'image du cortège (Sire marchez devant trabants marchez derrière, vers 17) parodie la gravité de l'enterrement. [...]
[...] La légende dit que c'est au dernier moment avant la mise sous presse qu'Apollinaire décida de supprimer totalement la ponctuation d'Alcools. Outre qu'elle favorise une diction plus fluide, elle produit également des ambiguïtés riches de sens. Le recueil devait à l'origine s'appelait Eau de vie ; Alcools, moins directement transparent, qualifie métaphoriquement la conception de la création poétique de l'auteur, ivresse poétique mais aussi saveur amère de l'alcool et par extension de la vie. La poésie est en effet envisagée comme alchimie, distillation de l'expérience vécue. [...]
[...] À l'instigation de sa mère, femme rancunière, Salomé demanda comme récompense la tête de saint Jean-Baptiste. Atterré, le roi, pour tenir sa promesse, fit décapiter le prophète. Séductrice implacable, fascinée et fascinante jusqu'à l'horreur, Salomé à beaucoup inspiré les artistes de la fin du XIXème siècle. La légende de Salomé Ce poème reprend les principaux éléments de la légende de Salomé : Jean- Baptiste (vers Hérode (vers 11). Mais une certaine ambiguïté plane sur l'évocation de la mort du prophète. [...]
[...] Le lecteur est alors en présence d'une incohérence psychologique. De plus, son activité se manifeste implicitement parla série d'impératifs des vers 13 à 16 : Venez, Ne pleure pas, Prends, danse et N'y touchez pas. Elle devient celle qui donne des ordres. Et enfin inconséquente Héroïne désespérée, Salomé évolue vers l'incohérence psychologique, trait de caractère supporté par les variations sur le thème de la danse. Ainsi : - je danserais (vers connote l'irréel qui exprime le regret le chagrin - je dansais (vers évoque le souvenir perdu - danse (vers à l'impératif présent, dénote la volonté de se reprendre. [...]
[...] Une adaptation apollinienne Dans son poème, Apollinaire suppose la danse de Salomé pour séduire Hérode terminée. La jeune femme s'adresse alors à des interlocuteurs, comme le suggère la tournure interrogative du vers 9 (Et pour qui voulez-vous qu'à présent je la brode). Mais ses questions servent surtout de prétexte à un monologue intérieur, car, signe révélateur de sa démence, elle imagine des interlocuteurs. Par ailleurs, Apollinaire suppose Salomé amoureuse de Jean-Baptiste, d'où l'émotion qui accompagne son écoute des prédications (Mon cœur battait battait très fort à sa parole, vers 5). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture