Salammbô, Flaubert, Gustave Flaubert, écrivain, roman, esthétique, excès
Salammbô regorge d'un excès tant au plan lexical, syntaxique que rhétorique. Cela peut être expliqué, par l'influence, tantôt du baroque, tantôt, du parnasse ainsi que du romantisme. Il en découle que l'œuvre étudiée est au confluent, tour à tour, de l'excès, de l'esthétique et de la démesure. Flaubert, lui-même atteste ce fait en affirmant en 1852 : « ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style ». C'est ce qui revient à dire que Salammbô est avant tout une œuvre artistique, une création née de l'imaginaire de son auteur et non un roman historique à proprement parler qui serait « ennuyeux » selon les termes de Flaubert.
[...] En outre, la mort constitue un thème récurrent dans les œuvres baroques. Ce thème de prédilection plaide en faveur du leitmotiv de la guerre, qui tout en opposant, dans Salammbô, les mercenaires et les Carthaginois, cause l'anéantissement d'un bon nombre de soldats le dixième jour, deux milles asiatiques étaient mort, quinze cent de l'Archipel, huit mille de la Libye, les plus jeunes des Mercenaires et des tribus complètes ; en tout vingt mille soldats, la moitié de l'armée L'accumulation des GN, qui s'opère, dans un premier temps, par juxtaposition deux milles asiatiques quinze cents de l'Archipel huit mille de la Libye les plus jeunes des Mercenaires coordination et des tribus de barbares incidente en tout ( ) et apposition, dans un second temps, la moitié de l'armée est focalisée sur un zeugme syntaxique, l'omission du GV étaient morts La référence au macabre se révèle, au plan lexical, au moyen du recours au participe passé morts L'amplification, dans cette notation, est obtenue par l'emploi des adjectifs numéraux cardinaux à valeur hyperbolique deux mille quinze cents huit miles et vingt mille Le ton emphatique est rendu clair, aussi, à travers l'adjectif qualificatif complètes qui, postposé au GN tribus en donne une impression de totalité. [...]
[...] Ajoutons que ceux-ci conçoivent le cisèlement du langage comme un métier Il faut signaler, par ailleurs, que le socle de cette mouvance est clairement défini par Gautier : Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid Dans cette optique, notons que cette conception de la langue et du langage va de pair avec celle admise par Flaubert. Autrement dit, ce dernier donne la primauté à une quête passionnée de la beauté. Il en découle que cette écriture fait prévaloir la fonction poétique[18] du langage. [...]
[...] Rappelons, à cet égard, que la guerre constitue le thème nodal de ce roman. De ce fait, sa description fourmille tant d'excès que de minutie. La trame principale de ce roman se résume, rappelons-le, par une passion amoureuse impossible. En effet, Mâtho, un des chefs des mercenaires, tombe sous le charme irrésistible et envoûtant de Salammbô, fille d'Hamilcar Barca, qu'il a entrevue dans les jardins de son père. Il va sans dire que cela fait allusion à un des motifs cruciaux de l'écriture romantique. [...]
[...] D'ailleurs, on parle d'élan dionysiaque, c'est-à-dire dont les principales caractéristiques sont l'exubérance et la démesure Cette instigation est incommensurable dans la mesure où nous pouvons déceler une parfaite adéquation entre les assises fondatrices de cette mouvance et toute la production littéraire de Flaubert. Ainsi, cet impact est loin d'être une séquelle. Au contraire, il contribue non seulement à embellir l'écriture, mais aussi à mettre en valeur l'incantation verbale de l'écrivain. Dans cette perspective, il convient de rappeler que Madame Bovary fut éditée deux fois au dessein d'un souci purement plastique. [...]
[...] Eu égard à un tel propos, nous pouvons affirmer que la minutie des descriptions et la profusion des détails outre qu'elles corroborent l'impact des Parnassiens sur lui, confirment que Flaubert est un formaliste, produisant une alchimie autant persuasive que séductrice. Toutes proportions gardées, nous avons affaire à un sculpteur voire à un ciseleur transformant, avec virtuosité, une matière difficile le langage, en beauté grâce à un patient labeur. Ainsi, la récurrence de l'excès tant au niveau phonique et syntaxique que lexical prouve, incontestablement, qu'il s'agit d'un véritable partisan de la doctrine de l'art pour l'art. Le décryptage de Salammbô montre que nous y décelons la célébration d'une sorte de Beauté divinisée. [...]
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