Ecrit en 1959, le poème Chronique est une œuvre de la maturité, qui pose, comme l'indique d'emblée son titre, la question du temps qui passe, du temps passé et de celui qui reste à venir. Au fil des huit suites qui le composent, le poète s'adresse à la figure allégorique de « Grand âge » pour lui annoncer sa venue. Cette rencontre est alors l'occasion d'un retour sur soi et d'une réflexion sur la destinée et le temps humain et la huitième et ultime suite dresse le bilan du chemin parcouru, physiquement comme spirituellement, pour enfin accéder à une seconde vie, plus riche de promesses et d'aventures.
[...] Nous voici formule également récurrente (et admirablement commentée par les colistiers montre à la fois l'arrivée du poète vers le Grand-âge puisque le présentatif indique la proximité (le grand âge est donc atteint) et la compagnie d'autres hommes, compagnie qui sera explicitée peu après. Le poète peut ainsi inclure le lecteur dans son propos qui se veut en tout cas universel : déjà dans la troisième suite, il affirmait nous venons de toutes rives de la terre affichant délibérément son union avec l'ensemble des hommes. [...]
[...] Conclusion Au fil de notre étude, nous avons donc pu apprécier la façon dont Saint- John Perse envisage de prendre congé avec le monde : il ne s'agit pas pour lui de quitter la vie, puisqu'il laisse sa trace, matérielle dans des vergers et autres constructions, spirituelle dans les chants qu'il veut donner à la postérité. Le Grand âge lui a donc permis d'acquérir une certaine sérénité, qui se perçoit dans le tableau qu'il offre d'une nature en harmonie avec elle-même, d'une nature au sein de laquelle tous les éléments et tous les ordres sont liés et surtout, d'une nature qui lui permet d'accéder aux cieux et donc au repos tant mérité. [...]
[...] Puis il rejette les chansons de veillée et si le développement qui suit me paraît quelque peu obscur (que signifie chansons de reine de Hongrie il s'agit vraisemblablement de poésie à l'ancienne or SJP a considérablement renouvelé le genre poétique, par son utilisation du verset et par l'insertion dans ses textes de vocabulaire jusqu'alors banni du genre qui chanterait peut-être l'histoire de famille pour honorer une lignée (en en faisant sa chronique comme le montrent des termes tels que rouillé vieilles et de famille Il explique alors, dans les deux derniers versets de notre extrait, ce que sera son chant, reprenant en partie le premier verset puisqu'il évoque à la fois l'image de la fin de vie avec le grand âge et le soir et celle des honneurs Son chant sera donc, contrairement à ce que laissait attendre la prédominance de la première personne du pluriel, un chant de la solitude humaine, qui se donne pour mission de combattre (cf. glaive épée et se frayer sa route et de célébrer. [...]
[...] L'attaque du second verset, avec l'adverbe demain s'inscrit donc clairement dans cette nouvelle optique, et rompt en cela avec le genre de la chronique qui ne peut a priori que retracer le passé. La première phrase, nominale, présente un tableau, d'où l'absence de verbe, d'action : il s'agit d'une scène d'orage présentée de façon ambiguë puisqu'à un terme positif grand succède un adjectif péjoratif, maraudeurs Il faut toutefois rappeler que l'orage est un événement important et récurrent chez SJP, comme l'a souligné Michèle Aquien dans SJP, L'être et le nom : L'éclair est donné chez Perse comme l'incitation première à la dictée divine Cette théorie est ainsi confirmée par la suite du verset et le travail de l'éclair est explicité : il s'agit en effet de lier ciel et terre, d'établir le contact entre dieu et les hommes pour ensuite fond[er] une alliance L'image du caducée fait d'ailleurs doublement écho à la phrase précédente puisqu'il représente bien entendu l'éclair, mais renvoie également à Mercure dont il est l'attribut, Mercure le dieu des commerçants et des voyageurs, mais aussi celui des voleurs, des maraudeurs et le Messager des dieux qui cette fois-ce transmet des messages aux hommes. [...]
[...] - Les versets 5 et 6 affirment ensuite la fin d'une vie et la nécessité pour autrui de reprendre le flambeau - Et notre extrait s'achève sur un nouveau départ, esquissé dans les versets 7 à 10. Il s'agit donc pour le poète de dresser un bilan de sa vie et de son œuvre et ce poème est à ce titre riche de réminiscences de tous ordres. Mais l'atteinte du grand âge n'est en rien une fin absolue : l'alliance avec la divinité lui donne en effet accès à une seconde vie. [...]
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