La Solitude de Saint-Amant est une longue ode composée de vingt dizains d'octosyllabes, terminée en 1617 alors que Saint-Amant a vingt-trois ans. Le poème est une ode à la nature et à la solitude qui va de pair avec elle, une solitude heureuse. La mer y occupe une place prépondérante : le poète a navigué très tôt, très loin, et c'est peut-être le spectacle des rivages de Belle-Ile qui l'a inspiré ici.
Les trois dizains 15, 16 et 17 se situent presque à la fin du poème : par la thématique de l'alternance, du voilement et du dévoilement, ces strophes consacrées à la mer constituent une sorte de spécimen de poésie baroque (...)
[...] On peut parler de personnification, à travers Neptune (v.16), mais aussi à travers les verbes se calmer et murmurer (v.3 et 12). L'alternance des humeurs est sensible dans les sonorités courroux et allitérations en r et assonance en ou des v.11 à dans les associations à la rime se calmer / effroyable ; respectueux / impétueux Enfin c'est par les ressources propres à l'ode (schéma des rimes ABBACDCDEE = embrassées, alternées, suivies) que la fluidité et l'alternance sont aussi exprimées. [...]
[...] Le spectacle de la mer est pour le poète l'occasion de rendre compte de l'instabilité du monde, de sa variété - et c'est une des ressources du poème - mais aussi, par le thème du miroir et du renversement, d'accéder à l'idée d'une cohérence. La vue joue un rôle essentiel, même quand c'est par l'illusion optique : le poète n'est pas effrayé par la révélation d'une nouvelle dimension du monde, il y trouve au contraire le moyen d'enrichir sa poésie, où le péril de la fragmentation - comme le naufrage - est évité au sein du poème lui-même, comme la mer qui charrie les épaves, autant que les choses de prix mais le tout ensemble. [...]
[...] la description de l'alternance, de la variété et de l'hétéroclite un principe d'alternance : L'adverbe tantôt répété aux vers auquel on pourrait ajouter la temporelle du vers 3 crée la succession de moments et de différents spectacles ; c'est la nature qui a l'initiative sur l'esprit. Le je n'est pas explicitement présent (mais sensible dans l'exclamation du début) ; le nous et le on (v.22, 27) plus généraux, associent le lecteur au poète, dans la contemplation de la scène. Ainsi le poète ne fait- il que rendre au mieux la variété qu'il a sous les yeux. La mer est le lieu changeant par excellence, toujours en action (cf. [...]
[...] Il n'est plus possible de distinguer apparence et réalité dans le reflet. nouvelle cohésion : L'illusion (répétition du verbe sembler hésitation du v.27) n'est pas vécue négativement : le reflet permet de voir le monde autrement, notamment dans l'image fantastique d'un soleil au fond de l'eau (le monde n'est plus polarisé) - une nouvelle connaissance (rime voir / savoir), par le pouvoir des yeux, qui eux-mêmes reflètent des cieux nouveaux. Bien sûr, c'est la nature - la mer - qui permet cela. [...]
[...] On dirait que les rimes se répondent l'une à l'autre comme des reflets : voir, c'est savoir ; l'onde est un monde ; les yeux sont des cieux ; le visage du Soleil est une image. Le soleil (v.25) est un symbole de l'œil, qui se regarde dans le miroir. Le monde va alors révéler sa réversibilité, qui est ici une harmonie, non un chaos : ce n'est plus le renversement de Viau ou d'Aubigné, mais une symétrie. L'imagination ouvre une possibilité nouvelle : le soleil s'est peut-être laissé tomber dans l'eau ; ou bien, de même qu'il y a au fond des eaux d'autres cieux, ceux-là ont leur soleil. [...]
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