Molière disait, traduisant ainsi une devise de Jean de Santeul et développée par Horace : « le but de la comédie est de châtier les mœurs en riant » (castigat ridendo mores). Autrement dit, l'art de la comédie théâtrale peut corriger les vices des hommes en les divertissant. Ici, les trois textes de ce corpus ; Lysistrata de Aristophane, Le malade imaginaire de Molière et Ubu Roi de Jarry, utilisent le rire pour exprimer la visée du dramaturge.
[...] Au travers de ces trois extraits, la dimension du rire vise à mettre en lumière que la sagesse ne repose pas sur un statut social. Lysistrata montre le rôle que les femmes peuvent avoir dans la politique et dans la société grecque antique, rôle qu'elles ne jouent pas, car leurs avis sont ignorés et méprisés du fait qu'elles sont à l'époque considérées comme non- citoyen (au même titre que les esclaves et métèques). Ainsi, indépendamment de leur statut social, les femmes incarnent la sagesse face aux hommes guerriers : Nous allons vous remettre dans le droit chemin (vers 22). [...]
[...] En effet, ici, le personnage du Père Ubu exprime sa cupidité désopilante avec la répétition : MA liste de MES biens à deux reprises (ligne 12 et 13) ; mais également son acharnement grotesque avec l'anaphore : dans la trappe ! tout au long de l'extrait. Dans la scène de Lysistrata, le comique de répétition se manifeste par la répétition à plusieurs reprises de l'injonction Tais-toi qui traduit la volonté risible des deux protagonistes de prendre l'ascendant dans la discussion. De même, chez Molière, le comique de répétition est présent dans le dialogue interactif des lignes 25 à 35 où Toinette répond : Le poumon sans réfléchir, alors que cela n'a aucun lien avec les symptômes présentés par Argan. [...]
[...] Ces trois extraits utilisent donc bien le rire dans leur comédie, mais avec une visée précise : critiquer la société. Molière, lui, dénonce les médecins au travers du Malade imaginaire ; il critique notamment leurs pratiques archaïques de l'époque avec les patients. Ceci s'explique par le fait qu'il estime qu'ils n'ont rien fait pour sauver sa mère, morte lorsqu'il avait dix ans. Ainsi, le dramaturge blâme les médecins avec une antithèse : Il dit que c'est du foie, et d'autres disent que c'est de la rate (ligne et une hyperbole : Ce sont tous des ignorants (ligne 26). [...]
[...] On peut se demander dans quelle mesure ces trois extraits démontrent que la sagesse n'est pas inhérente au statut de chacun ? Ces trois textes mettent tout d'abord en lumière un comique polycéphale, qui se révèle par la suite vecteur d'instruction et de dénonciation. Les trois textes de ce corpus utilisent tout d'abord un comique de situation pour souligner le registre humoristique. Chez Aristophane, Lysistrata ne cède pas, mais riposte, mot pour mot, à toutes les objections du magistrat dans la première partie du dialogue, et, surtout, ridiculise son adversaire à la fin de la scène : si c'est mon voile qui te gêne, tiens, prends-le, mets-le sur ta tête et tais-toi ! [...]
[...] Chez Jarry, l'idée est que le bon sens ne dépend ni de la hiérarchie ni du pouvoir ; le dictateur juge de manière insensée et expéditive. Ceci traduit bien que le savoir et la sagesse ne dépendent pas du statut social, que ce soit celui du dirigeant, du médecin savant ou encore du mari citoyen. Ces trois comédies tentent donc bien de châtier les mœurs de la société, par le comique ; en mettant en lumière que la sagesse n'est pas inhérente au statut de chacun. [...]
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