Commentaire de texte sur l'Acte 3 scène 3 de Ruys Blas
[...] Son énumération est à la hauteur de son sentiment pour le serviteur : « Sans espoir, sans amour, sans un rayon doré » ligne 29. Elle se laisse même aller à la promesse de lui raconter son tourment, promesse tragique au plus haut point, puisqu'ils n'auront pas le temps : « Un jour que nous aurons le temps », ligne 30. Tout aussi tragique est son admission suivante : « toujours seule, oubliée », ligne 31. Nous savons qu'elle retournera à la place qu'elle occupait au début de l'intrigue et se retrouvera seule, puisque tous les protagonistes de l'aventure seront morts. [...]
[...] Le poids tragique du destin n'affecte pas que la Reine, mais lui également. La jeune femme finit son accumulation en mettant une fois encore l'accent sur la souffrance dont elle est la victime « moi qui souffre ». Sa tirade se finit avec l'admission de la discontinuité de son discours. Nous pensons alors invariablement aux fonctions dramatiques du monologue, en particulier à celle qui consiste à faire pénétrer le spectateur dans le dilemme émotionnel du personnage, ici vivre une passion qui ne peut qu'être funeste : « Je te dis tout cela sans suite, à ma façon, mais tu dois cependant voir que j'ai bien raison. [...]
[...] Tout est en place pour que la destinée se charge de la fin funeste de leur amour. La Reine va jusqu'à lui donner son âme, alors que c'est habituellement une possession de Dieu. Ligne 45, la Reine explicite la différence qu'il existe encore son aimé et le commun des mortels. C'est encore une façon pour elle de marquer la supériorité de Ruy qui ne reconnaît pas alors son rang comme supérieur au sien, ou même en tant que rapport de force. [...]
[...] Elle précise encore « j'écoute », ligne 2. Elle assure ainsi la fonction phatique du langage, pour s'assurer que Ruy Blas l'écoute et la comprenne, ce qui n'est d'ailleurs pas nécessaire puisqu'il ne s'agit pas vraiment d'un dialogue au sens strict du terme. La force de cette confrontation est exacerbée, c'est l'âme de Ruy qui parle et non son corps, ligne 3. Cette communication intense bouleverse tout son être, c'est une véritable mise à nu qui s'annonce. S'agissant d'une Reine, nous pouvons comprendre qu'il ne lui est pas souvent donné l'occasion de parler sans détour et sincèrement. [...]
[...] Aveuglée par sa passion, la Reine insulte Dieu et pervertit l'ordre naturel des choses. Le destin ne peut les laisser ensemble et doit les séparer d'une façon funeste. Pour la première fois depuis le début de sa tirade, la Reine nomme son sentiment pour son interlocuteur : « je t'admire », ligne 24. Nous pouvons voir à la ligne suivante une référence au début de l'œuvre, où celui qu'elle pense être Don César se fait remarquer notamment par une fleur à sa boutonnière, contraste saisissant par rapport à l'étiquette stricte qui entoure la Reine à tout heure. [...]
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