« Le sujet philosophique de Ruy Blas, c'est le peuple aspirant aux régions élevées; le sujet humain, c'est un homme qui aime une femme, le sujet dramatique, c'est un laquais qui aime une reine ». La scène 3 se situe au terme de la pièce. Alors que Ruy Blas espérait avoir neutralisé le piège de Don Salluste, il se referme sur la Reine et sur lui. C'est alors que Ruy Blas comprend l'ampleur de la machination élaborée par son maître, il entrevoit en même temps, la seule issue possible. La passion de Ruy Blas pour la Reine était de nature tragique, car l'origine plébéienne du personnage en interdisait la réalisation. Ruy Blas incarne la rupture entre être individuel et social, il reste un « ver de terre amoureux d'une étoile »(II, 2). Toutefois la condition sociale du personnage ne lui permet pas d'atteindre le sublime. Son ascension politique, qui lui a permis de devenir Duc d'Olmedo et chevalier de la Toison d'Or, a prouvé sa noblesse profonde, son courage et son exigence morale. En sauvant la Reine, Ruy Blas accomplit aussi sa libération.
[...] Vous n'allez pas frapper cet homme ? Ruy Blas. Je me blâme D'accomplir devant vous ma fonction, madame, Mais il faut étouffer cette affaire en ce lieu. Il pousse don Salluste vers le cabinet. C'est dit, monsieur ! Allez là dedans prier Dieu ! Don Salluste. C'est un assassinat ! Ruy Blas. Crois-tu ? Don Salluste, désarmé, et jetant un regard plein de rage autour de lui. Sur ces murailles Rien ! Pas d'arme ! À Ruy Blas. Une épée au moins ! [...]
[...] Ruy Blas la lui barre. Oh ! N'allez point par là, ce n'en est pas la peine, J'ai poussé le verrou depuis longtemps déjà. Marquis, jusqu'à ce jour Satan te protégea, Mais, s'il veut t'arracher de mes mains, qu'il se montre. À mon tour ! On écrase un serpent qu'on rencontre. Personne n'entrera, ni tes gens, ni l'enfer ! Je te tiens écumant sous mon talon de fer ! Cet homme vous parlait insolemment, madame ? Je vais vous expliquer. [...]
[...] Pendant qu'il a parlé, Ruy Blas est allé à la porte du fond et en a poussé le verrou, puis il s'est approché de lui sans qu'il s'en soit aperçu, par derrière, à pas lents. Au moment où don Salluste achève, fixant des yeux pleins de haine et de triomphe sur la reine anéantie, Ruy Blas saisit l'épée du marquis par la poignée et la tire vivement. Ruy Blas, terrible, l'épée de don Salluste à la main. Je crois que vous venez d'insulter votre reine ! [...]
[...] Don Salluste, poursuivant. Seulement il a parlé trop tôt. Il croise les bras et se redresse, avec une voix tonnante. Eh bien, oui ! Maintenant disons tout. Il n'importe ! Ma vengeance est assez complète de la sorte. À la reine. Qu'en pensez-vous ? Madrid va rire, sur ma foi ! Ah ! Vous m'avez cassé ! Je vous détrône, moi. Ah ! Vous m'avez banni ! Je vous chasse, et m'en vante ! [...]
[...] Vous osez, votre reine, une femme adorable ! Vous osez l'outrager quand je suis là ! Tenez, Pour un homme d'esprit, vraiment, vous m'étonnez ! Et vous vous figurez que je vous verrai faire Sans rien dire ! écoutez, quelle que soit sa sphère, Monseigneur, lorsqu'un traître, un fourbe tortueux, Commet de certains faits rares et monstrueux, Noble ou manant, tout homme a droit, sur son passage, De venir lui cracher sa sentence au visage, Et de prendre une épée, une hache, un couteau ! [...]
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