Ruy Blas, Victor Hugo, héros solitaire, drame romantique, acte V scène 1
Comme le dit si bien Victor Hugo dans la préface de Cromwell, le drame romantique se caractérise par une “harmonie des contraires”, alliant tragédie et comédie, sublime et grotesque. Avec Ruy Blas, le chef de file de ce genre nous livre une pièce illustre qui retrace l'ascension et la chute d'un laquais au sein de la cour espagnole au XVIIe siècle. Comment, dans la première scène du cinquième et dernier acte, Hugo dépeint-il le héros du drame romantique? Pour répondre à cette problématique, nous étudierons dans un premier temps la tourmente du héros éponyme pour ensuite nous pencher dans un second temps sur sa chute.
[...] Ruy Blas est un personnage qui a subi une chute brutale et qui, désillusionné, prépare son propre suicide. Bien que le drame romantique n'ait occupé que deux décennies de l'histoire du théâtre français, ces pièces continuent à être représentées de nos jours et gardent une actualité remarquable. [...]
[...] Nous avons remarqué qu'il bondit brusquement d'un sujet à l'autre. En effet, au cours de ce long monologue imprégné du registre pathétique et majoritairement consacré à la préparation du suicide du héros, Hugo ne manque pas de placer dans la bouche de son personnage une critique de la société espagnole du XVIIe siècle qui devrait traverser les barrières du temps et s'adresser au spectateur contemporain du dramaturge. D'ailleurs, lorsqu'il trace le parallélisme : « Vous mourez, personne ne s'émeut » (v.35), on peut bien se demander s'il ne s'adresse directement au public par ce vouvoiement. [...]
[...] Ruy Blas est désillusionné, il ne cherche plus à changer cette société trop froide et indifférente. Il ne cherche plus à comprendre ce qui a poussé l'homme qui lui a vendu le poison à devenir si insensible (« Je ne sais pas » v.34). D'ailleurs, ses forces sont exténuées à présent ; il affirme : « J'ai mal dans la tête » (v.34) par opposition à : « On pense mieux » (v.4) au début de la scène. Cette faiblesse est manifestée par les trente-et-unième et trente-deuxième vers brisés et transpercés par des didascalies qui soulignent son agitation. [...]
[...] Il regrette le fait que la société se soit interposée entre ses amours partagés avec la reine – ses pleurs l'expriment. D'ailleurs il la blâme pour ses malheurs : « l'on aurait bien dû nous laisser en paix » (v.31-32). Ainsi, l'opposition entre les pronoms « on » et « nous » souligne le fait que le héros du drame romantique est un être marginal. Parmi les souvenirs évoqués au passé émergent des phrases au futur qui anticipent le sort de Ruy Blas. [...]
[...] Cependant, cet état-là n'est-il pas dû à une chute abrupte du héros qui frôle le suicide de très près ? Les premiers actes de Ruy Blas retracent l'ascension sociale du personnage éponyme, alors que dans cette scène Hugo dépeint le héros déchu en proie à une désillusion et la nostalgie de ses aventures avec la reine, ainsi qu'un coup de théâtre brutal qui interrompt la préparation de son suicide. Dès les premières paroles de Ruy Blas, le spectateur se rend compte que le héros, constamment tiré vers le bas, est conscient de sa chute et qu'il regrette ses rêves d'auparavant. [...]
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