Dans une pièce en cinq actes, le troisième acte constitue toujours un moment stratégique majeur, c'est le nœud du drame. Il porte le nom du héros, le peuple est incarné par Ruy Blas, parvenu au sommet, mais il passe son ascension sous les traits du ministre Don César, Duc d'Olmedo, Grand d'Espagne et chevalier de la Toison d'Or. A la scène 3, l'apparition de la Reine constitue un coup de théâtre dans un acte riche en rebondissements. Elle modifie le climat lourd de la scène 2, car à l'accusation politique succède le lyrisme amoureux. Hugo développe un topos de la littérature : l'aveu amoureux. Les spectateurs connaissent les sentiments réciproques qui unissent les deux personnages, ils savent aussi qu'ils ne se sont pas revus depuis six mois, ce délai correspondant à l'ellipse temporelle entre l'acte II et III. De toute manière, cette scène forme leur premier tête à tête. La scène comporte trois mouvements : La Reine qui exprime son admiration, Ruy Blas est donc autorisé à avouer ses propres sentiments, sentiments auxquels fait écho les sentiments de la Reine.
[...] Les circonstances de l'aveu Ruy Blas, une antithèse du Roi II. un ver de terre amoureux d'une étoile L'apparition de la Reine créée un effet de surprise souligné par l'aparté de Ruy Blas La fuir depuis six mois et la voir tout à coup D'après la didascalie, la Reine est vêtue de blanc, ce qui s'apparente à une épiphanie. L'aveu se teinte de mysticisme, la Reine devient un ange : vous m'éblouissez comme un ange qu'on voit elle même apparente son action à la justice divine Où Dieu t'aurait dû mettre une femme te met ce qui provoque un effet de surprise renforcé par l'émotion amoureuse, car pour la première fois les protagonistes sont seul à seul. [...]
[...] Tous les jours je viens là, là, dans cette retraite, T'écoutant, recueillant ce que tu dis, muette, Contemplant ton esprit qui veut, juge et résout, Et prise par ta voix qui m'intéresse à tout. Va, tu me sembles bien le vrai roi, le vrai maître. C'est moi, depuis six mois, tu t'en doutes peut-être, Qui t'ai fait, par degrés, monter jusqu'au sommet. Où Dieu t'aurait dû mettre une femme te met. Oui, tout ce qui te touche a mes soins. Je t'admire. Autrefois une fleur, à présent un empire ! [...]
[...] Que faut-il que je fasse ? Si vous me disiez : meurs ! Je mourrais. J'ai l'effroi Dans le coeur. Pardonnez ! La Reine. Oh ! Parle ! Ravis-moi ! Jamais on ne m'a dit ces choses-là. J'écoute ! Ton âme en me parlant me bouleverse toute. J'ai besoin de tes yeux, j'ai besoin de ta voix. Oh ! [...]
[...] Je vous aime de loin, d'en bas, du fond de l'ombre ; Je n'oserais toucher le bout de votre doigt, Et vous m'éblouissez comme un ange qu'on voit ! Vraiment, j'ai bien souffert. Si vous saviez, madame ! Je vous parle à présent. Six mois, cachant ma flamme, J'ai fui. Je vous fuyais et je souffrais beaucoup. Je ne m'occupe pas de ces hommes du tout, Je vous aime. ô mon Dieu, j'ose le dire en face À votre majesté. [...]
[...] Vous me sembliez seul être resté debout ! Mais où donc avez-vous appris toutes ces choses ? D'où vient que vous savez les effets et les causes ? Vous n'ignorez donc rien ? D'où vient que votre voix Parlait comme devrait parler celle des rois ? Pourquoi donc étiez-vous, comme eût été Dieu même, Si terrible et si grand ? Ruy Blas. Parce que je vous aime ! Parce que je sens bien, moi qu'ils haïssent tous, Que ce qu'ils font crouler s'écroulera sur vous ! [...]
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