Cette dissertation est centrée sur la dimension critique dans La Route des Flandres de Claude Simon.
Elle commente une citation du critique Dominique Viart qui écrit : « Aussi l'oeuvre de Simon est-elle bien critique, et substantiellement. Elle l'est d'un monde et de ses valeurs, y compris de ses illusions ; elle est critique, au-delà, envers les discours qui recouvrent le monde et qu'il est nécessaire de déchirer pour l'entrevoir autrement. »
[...] Ce qui est à lire ici est donc le pouvoir propre de la parole, cette parole qui nous dépasse et nous trahit en même temps qu'elle féconde des ailleurs possibles. Là git le travail même de l'écrivain et son combat et ce dernier l'évoque encore une fois dans le discours de Stockholm : Eh bien, lorsque je me trouve devant ma page blanche, je suis confronté à deux choses: d'une part, le trouble magma d'émotions, de souvenirs, d'images qui se trouve en moi, d'autre part la langue, les mots que je vais chercher pour le dire, la syntaxe par laquelle ils vont être ordonnés et au sein de laquelle ils vont en quelque sorte se cristalliser. [...]
[...] ] Et cette conversation animée continue sur les pages suivantes . Si l'on reprend l'exemple ci-dessus, on note aussi aux mêmes pages: tandis qu'ils essayaient de se transporter par procuration (c'est-à-dire au moyen de leur imagination, c'est-à-dire en rassemblant et combinant tout ce qu'ils pouvaient trouver dans leur mémoire en fait de connaissance vue, entendue ou lue Cela permet de faire le lien avec la reconstruction inconsciente qui est à l'œuvre dans le roman et qui se fait principalement sous la forme de l'imagination. [...]
[...] Comme la Providence dans le sermon d'un père dominicain. Comme l'Immaculée Conception : scintillante et exaltante vision traditionnellement réservée aux cœurs simples et aux esprits forts, bonne conscience du dénonciateur et du philosophe, l'inusable fable ou farce. Histoire personnelle et histoire collective se fondent en une seule où l'on est témoin d'une critique de la logique romanesque. De ce fait et des points soulevés précédemment, il y a la perte de la possibilité d'approcher la réalité du monde par les discours. [...]
[...] La beauté du texte et de la vie sans doute surgit de ce faire incessant, du bout de la Route jamais atteint. Pour finir, il est aisé de rapprocher l'écriture d'un fil de ce roman et de sa recherche propre d'un autre outre-Atlantique, à savoir Sur la Route de Jack Kerouac qui clôturera le propos : Quelle est ta route, mon pote ? C'est la route du saint, la route du fou, la route d'arc-en-ciel, la route idiote, n'importe quelle route. C'est une route de n'importe où pour n'importe qui n'importe comment. Où qui comment ? [...]
[...] Il y a sans doute plus de vérité dans la recherche de la vérité que dans la vérité elle-même. C'est ainsi que s'éclaire la nuit arrosée de Blum et de Georges sortant du café dans la nuit noire, seuls les mots guident les deux compagnons saouls et les rassurent dans leur présent : et Blum : Sa s . puis étouffant un juron, se rattrapant à l'épaule de Georges, et tous les deux titubant un instant comme deux ivrognes, puis se remettant en marche dans le noir glacé, ruisselant, de plus en lus noir à mesure qu'ils s'éloignent de la place, des quelques portes ou fenêtres éclairées, jusqu'à ce qu'ils ne puissent même plus se voir, jusqu'à ce que seules leurs deux voix les représentant, se répondant, alternant dans les ténèbres avec cette fausse insouciance, cette fausse gaieté, ce faux cynisme des jeunes gens S'il a été possible de parler à l'égard de La Route des Flandres d'une dimension critique c'est dans la mesure où elle est en partie écriture de la débâcle. [...]
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