Rousseau, "Les Confessions", Livre premier, "La fessée de mademoiselle Lambercier" : étude analytique

Résumé du document

La totalité de cet extrait est marquée par l'évocation d'un cadre propice aux sentiments et à leur évolution : l'"affection" (lignes 1, 6 et 7), "douceur naturelle" (ligne 8), "sensualité" (ligne 10), "les sens et mon coeur" (ligne 16), et surtout sa "chambre" (ligne 21), "son lit" et "coucher" (ligne 22) ainsi que le "bouquet final" : "de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie" (lignes 26-27) (...)

Extraits

[...] La découverte du mensonge Enfin, l'enfant Rousseau découvre également le mensonge, ou en tout cas les paroles dissimulatrices, des adultes ; ce que l'extrait traduit par le décalage entre ce que dit mademoiselle Lambercier (déclara . qu'il la fatiguait trop, ligne 21) et ce qu'elle a compris mais qu'elle tait. Conclusion Cet extrait témoigne du premier aveu difficile pour Rousseau puisqu'il aborde, même superficiellement, la sexualité enfantine. Jamais avant lui, un auteur n'avait abordé un sujet aussi délicat dans une autobiographie. [...]

[...] Ces termes de substitution sont encore plus allusifs lors du rapport de la seconde fessée : Cette récidive (ligne cette seconde fois (ligne 19). - les ellipses Si la fessée elle-même n'est pas mentionnée, les motifs des punitions sont eux aussi méconnus. Ainsi, par exemple, au sein de la même phrase (lignes 3 à on passe de l'instant précédant la punition (cette menace d'un châtiment tout nouveau pour moi) au moment qui la suit (mais, après l'exécution). - le champ lexical du corps de la correctrice Bien que discret, il est omniprésent avec la mention d'organes dits sensuels On relève ainsi la main de mademoiselle Lambercier (derechef par la même main, lignes 10-11 ; par la main d'une fille de trente, lignes 25-26) et surtout son sexe (quelque instinct précoce du sexe, lignes 11-12) à entendre comme désignant les femmes et non l'organe lui-même. [...]

[...] Enfin, il confirme que cette innocence devient culpabilité quand le désir a été perçu par l'adulte : mademoiselle Lambercier ici. La séparation physique et psychique Une fois le désir de l'enfant perçu par l'adulte (car mademoiselle Lambercier, s'étant sans doute aperçue, lignes 19-20), l'équilibre de l'enfance heureuse est rompu et se manifeste par la séparation des protagonistes : celle qui était mère (ligne devient une fille de trente [ans] (lignes 25-26), l'enfant Rousseau devient grand garçon (ligne 24). De plus, cet éloignement psychique se majore d'un éloignement physique : on nous fit coucher dans une autre chambre (lignes 22-23). [...]

[...] Enfin, l'interrogation rhétorique qui constitue à elle-seule le dernier paragraphe (Qui croirait que ce châtiment d'enfant, reçu à huit ans par la main d'une fille de trente, a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie, et cela précisément dans le sens contraire à ce qui devait s'ensuivre naturellement permet à Rousseau de relier le passé au présent et de suggérer que notre sexualité se détermine dès l'enfance. II- La prise de conscience de l'enfant Le séjour du jeune Rousseau chez le pasteur Lambercier et sa sœur à Bossez, un village près de Genève, était décrit avant cet extrait comme un paradis terrestre de l'enfance D'ailleurs, au début du texte, mademoiselle Lambercier est présentée comme une mère (avait pour nous l'affection d'une mère, ligne qui exerce son autorité avec discernement (quand nous l'avions méritée, ligne 3). [...]

[...] Les Confessions sont une autobiographie couvrant les cinquante-trois premières années de la vie de l'auteur, jusqu'à 1767. Les douze Livres qui la composent se divisent en deux ensembles distincts, définis par Rousseau lui-même : - la première partie, constituée par les Livres I à VI avec le Préambule, couvre les années 1712 à 1740 (années de formation, de la naissance à Genève et à l'installation à Paris) - la seconde, constituée par les Livres VII à XII, couvre les années 1741 à 1765 (vie à Paris dans les milieux de la musique et des philosophes, avec ses réussites et ses déboires comme les attaques qui suivent la publication de l'Émile, l'obligeant à s'exiler en Suisse). [...]