Rousseau, "Emile ou De l'éducation", Livre III : "Mon fils artisan"
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1. Argument 1 · Le premier argument annoncé est l'autonomie et l'indépendance. · L'artisan, de par son métier, échappe aux aléas de la nature et de la malveillance des hommes (...)
Sommaire
I) Arguments en faveur de l'apprentissage d'un métier
A. Argument 1 B. Argument 2 C. Argument 3
II) L'énonciation
A. Les différents interlocuteurs B. Forme impressive
III) Les références socioculturelles et historiques
A. L'agriculture B. Les titres de noblesse C. Acquisition des talents et des connaissances
Conclusion
Texte analysé
L'artisan ne dépend que de son travail ; il est libre, aussi libre que le laboureur est esclave ; car celui-ci tient à son champ, dont la récolte est à la discrétion d'autrui. L'ennemi, le prince, un voisin puissant, un procès, lui peut enlever ce champ ; par ce champ on peut le vexer en mille manières ; mais partout où l'on veut vexer l'artisan, son bagage est bientôt fait ; il emporte ses bras et s'en va. Toutefois, l'agriculture est le premier métier de l'homme : c'est le plus honnête, le plus utile, et par conséquent le plus noble qu'il puisse exercer. Je ne dis pas à Émile : Apprends l'agriculture ; il la sait. Tous les travaux rustiques lui sont familiers ; c'est par eux qu'il a commencé, c'est à eux qu'il revient sans cesse. Je lui dis donc : Cultive l'héritage de tes pères. Mais si tu perds cet héritage, ou si tu n'en as point, que faire ? Apprends un métier. Un métier à mon fils ! mon fils artisan ! Monsieur, y pensez-vous ? J'y pense mieux que vous, madame, qui voulez le réduire à ne pouvoir jamais être qu'un lord, un marquis, un prince, et peut-être un jour moins que rien : moi, je lui veux donner un rang qu'il ne puisse perdre, un rang qui l'honore dans tous les temps ; je veux l'élever à l'état d'homme ; et, quoi que vous en puissiez dire, il aura moins d'égaux à ce titre qu'à tous ceux qu'il tiendra de vous. La lettre tue, et l'esprit vivifie. Il s'agit moins d'apprendre un métier pour savoir un métier, que pour vaincre les préjugés qui le méprisent. Vous ne serez jamais réduit à travailler pour vivre. Eh ! tant pis, tant pis pour vous ! Mais n'importe ; ne travaillez point par nécessité, travaillez par gloire. Abaissez-vous à l'état d'artisan, pour être au-dessus du vôtre. Pour vous soumettre la fortune et les choses, commencez par vous en rendre indépendant. Pour régner par l'opinion, commencez par régner sur elle. Souvenez-vous que ce n'est point un talent que je vous demande : c'est un métier, un vrai métier, un art purement mécanique, où les mains travaillent plus que la tête, et qui ne mène point à la fortune, mais avec lequel on peut s'en passer.
I) Arguments en faveur de l'apprentissage d'un métier
A. Argument 1 B. Argument 2 C. Argument 3
II) L'énonciation
A. Les différents interlocuteurs B. Forme impressive
III) Les références socioculturelles et historiques
A. L'agriculture B. Les titres de noblesse C. Acquisition des talents et des connaissances
Conclusion
Texte analysé
L'artisan ne dépend que de son travail ; il est libre, aussi libre que le laboureur est esclave ; car celui-ci tient à son champ, dont la récolte est à la discrétion d'autrui. L'ennemi, le prince, un voisin puissant, un procès, lui peut enlever ce champ ; par ce champ on peut le vexer en mille manières ; mais partout où l'on veut vexer l'artisan, son bagage est bientôt fait ; il emporte ses bras et s'en va. Toutefois, l'agriculture est le premier métier de l'homme : c'est le plus honnête, le plus utile, et par conséquent le plus noble qu'il puisse exercer. Je ne dis pas à Émile : Apprends l'agriculture ; il la sait. Tous les travaux rustiques lui sont familiers ; c'est par eux qu'il a commencé, c'est à eux qu'il revient sans cesse. Je lui dis donc : Cultive l'héritage de tes pères. Mais si tu perds cet héritage, ou si tu n'en as point, que faire ? Apprends un métier. Un métier à mon fils ! mon fils artisan ! Monsieur, y pensez-vous ? J'y pense mieux que vous, madame, qui voulez le réduire à ne pouvoir jamais être qu'un lord, un marquis, un prince, et peut-être un jour moins que rien : moi, je lui veux donner un rang qu'il ne puisse perdre, un rang qui l'honore dans tous les temps ; je veux l'élever à l'état d'homme ; et, quoi que vous en puissiez dire, il aura moins d'égaux à ce titre qu'à tous ceux qu'il tiendra de vous. La lettre tue, et l'esprit vivifie. Il s'agit moins d'apprendre un métier pour savoir un métier, que pour vaincre les préjugés qui le méprisent. Vous ne serez jamais réduit à travailler pour vivre. Eh ! tant pis, tant pis pour vous ! Mais n'importe ; ne travaillez point par nécessité, travaillez par gloire. Abaissez-vous à l'état d'artisan, pour être au-dessus du vôtre. Pour vous soumettre la fortune et les choses, commencez par vous en rendre indépendant. Pour régner par l'opinion, commencez par régner sur elle. Souvenez-vous que ce n'est point un talent que je vous demande : c'est un métier, un vrai métier, un art purement mécanique, où les mains travaillent plus que la tête, et qui ne mène point à la fortune, mais avec lequel on peut s'en passer.
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Extraits
[...] On doit noter que Rousseau prend la peine de défendre l'agriculture mais il ne l'envisage que comme possession acquise par l'héritage Argument 2 Le second argument annoncé est le fait d'être un homme. Cet argument est lié à la réaction de la mère. C'est un argument d'ordre moral et social, à savoir que posséder un métier permet d'être un homme et par ce fait s'oppose à la notion de rang social, qui n'est possédé que grâce à un titre. Rousseau fait référence ici à la noblesse "marquis", "prince") et à son caractère artificiel et sa précarité. Le métier fait la noblesse : "Je veux l'élever à l'état d'homme". [...]
[...] Je ne dis pas à Émile : Apprends l'agriculture ; il la sait. Tous les travaux rustiques lui sont familiers ; c'est par eux qu'il a commencé, c'est à eux qu'il revient sans cesse. Je lui dis donc : Cultive l'héritage de tes pères. Mais si tu perds cet héritage, ou si tu n'en as point, que faire ? Apprends un métier. Un métier à mon fils ! mon fils artisan ! Monsieur, y pensez-vous ? J'y pense mieux que vous, madame, qui voulez le réduire à ne pouvoir jamais être qu'un lord, un marquis, un prince, et peut-être un jour moins que rien : moi, je lui veux donner un rang qu'il ne puisse perdre, un rang qui l'honore dans tous les temps ; je veux l'élever à l'état d'homme ; et, quoi que vous en puissiez dire, il aura moins d'égaux à ce titre qu'à tous ceux qu'il tiendra de vous. [...]
[...] On voit ici une certaine idéologie du progrès, avec la volonté et l'envie de modifier les mentalités : "l'esprit vivifie". Rousseau veut nous faire prendre conscience que c'est sur ce fait que se base la vie. Cette connotation est presque révolutionnaire. L'ensemble de l'argumentation est repris dans le dernier paragraphe, sous la forme d'un exemple à contrario. D'après Rousseau un métier ne doit pas simplement être un talent inexploitable en dehors de certaines circonstances privilégiées mais véritablement adapté au travailleur. [...]
[...] Il utilise de nombreuses figures de style comme les antithèses, les gradations, les répétitions, les énumérations, ou encore les oppositions "vous" / "moi". Rousseau s'adresse directement aux lecteurs dans le premier paragraphe ; il passe au style direct aux lignes et 13 pour relancer son argumentation. Il utilise de plus de nombreuses ponctuations émotives ainsi qu'une question oratoire à la ligne 12. Rousseau fait preuve d'une véritable éloquence. III) Les références socioculturelles et historiques 1. L'agriculture Rousseau lui accorde beaucoup d'importance, elle est "le premier métier de l'homme" (ligne 8). [...]
[...] On note l'existence de différents "vous" dans cet extrait ; aux lignes et 19 ce "vous" désigne la mère, par contre de la ligne 22 à la ligne 28 le "vous" est pour Emile et tous ceux de son âge, mais sans doute aussi pour tous les lecteurs, et particulièrement les nobles. Ce texte a donc une portée générale Forme impressive Le registre, dans cet extrait, est plus particulièrement polémique. Rousseau écrit avec vie, presque avec passion. Son expression est convaincue. [...]