En reprenant pour titre de son autobiographie les mêmes termes que Saint Augustin, Rousseau se situe dans une perspective quasiment hagiographique. En avouant ses péchés comme le titre le laisse entendre, l'auteur brosse un portrait de lui-même quelque peu valorisant où les actes négatifs sont transformés par l'écriture en actes valorisants. Le passage qui nous occupe se situe dans la continuité de l'épisode précédent où l'écrivain explique comment il en arrive au vol. En effet, poussé par un compagnon, il arrache des asperges dans un jardin qui ne lui appartient pas et revend les fruits de son forfait pour en donner ensuite le produit à son compagnon. Fort de cette expérience, Rousseau "vole" ensuite de ses propres ailes en dérobant pour son propre compte des pommes dans la réserve de son maître. Cet épisode se trouve ainsi comme la suite logique de son premier forfait où le fripon s'encanaille de plus en plus.
L'extrait présente tout d'abord les circonstances de ce vol : le jeune Rousseau est seul et les pommes le tentent. (du début jusqu'à "je ne pouvais approcher"). Profitant de cette solitude, il décrit ensuite les efforts pour arriver à extirper cette pomme de la dépense. (jusqu'à "dans la dépense"). N'ayant pu parvenir une première fois à obtenir le fruit défendu, l'apprenti reprend sa tentative le lendemain dans un passage qui passe au présent de l'indicatif, ravivant ainsi le souvenir fort de ce vol. (second paragraphe). Découvert par son maître, l'écrivain conclut alors l'épisode sur une loi qui fait de son expérience personnelle une loi générale expliquant l'engrenage dans lequel se trouvent ainsi enfermés les voleurs. (3ème paragraphe).
L'épisode du vol de la pomme qui a échoué prend sous la plume de Rousseau des accents humoristiques sous fond de références mythiques. Le dialogue amusé, ainsi engagé de façon implicite avec son lecteur ne masque pas la volonté de Rousseau de faire de son expérience personnelle un exemple qui explique comment l'homme devient "méchant" et s'enferme dans le vice. Nous verrons comment le regard amusé de l'auteur dans la narration de l'événement est présent pour mieux mettre en valeur la partie argumentative de l'extrait. Comment de façon paradoxale en avouant une faute, Rousseau parvient-il à se dédouaner de toute culpabilité ? (...)
[...] Un jour que j'étais seul dans la maison, je montai sur le may pour regarder dans le jardin des Hespérides ce précieux fruit dont je ne pouvais approcher. J'allai chercher la broche pour voir si elle y pouvait atteindre : elle était trop courte. Je l'allongeai par une autre petite broche qui servait pour le menu gibier ; car mon maître aimait la chasse; je piquai plusieurs fois sans succès ; enfin je sentis avec transport que j'amenais une pomme. Je tirai très doucement : déjà la pomme touchait à la jalousie : j'étais prêt à la saisir. Qui dira ma douleur ? [...]
[...] C'est ainsi que l'écrivain dépasse un simple récit, il veut en faire un modèle d'explication de la corruption des gens. La 1ère phrase accumule de nombreux enchaînements temporels : «Bientôt à force de enfin qui indiquent la logique de l'enchaînement de la corruption de l'enfant. L'écrivain adulte prend le dessus pour souligner la logique de l'enfant : au lieu de me mettait en droit de ce qui montre une autre logique que celle admise par les hommes. Il s'agit donc bien d'une entreprise de disculpation de Rousseau qui renvoie la faute non pas sur lui-même mais sur l'attitude des autres qui renforce l'enfant dans son vice. [...]
[...] Le contrat social ne fonctionne pas par manque de compréhension des deux parties, l'une exerçant son droit du plus fort sur l'autre : le battre. La question rhétorique reprend les pensées de l'enfant mais renvoie surtout au lecteur à qui il est demandé de répondre. La dernière phrase avec 3 fois le verbe être renvoie à la notion d'état du personnage qui est transformé en victime des hommes et non acteur de sa propre déchéance. Il s'agit d'un état de fait. [...]
[...] Rousseau se présente ainsi en nouvel Hercule. Il prend soin avec la négation ne pouvait de souligner la difficulté de l'acte et montre ainsi son courage (comme la référence mythologique) et toute sa dextérité future. Le larcin est alors vu de façon méliorative. La volonté de l'enfant ainsi que son ingénuité sont mises en valeur dans la mesure où nous notons une suite de verbes d'action soulignant la ténacité de l'enfant : piquai allai chercher allongeai Les phrases s'enchaînent avec des points virgules ou des points explicatifs montrant l'enchaînement des actions. [...]
[...] Toutefois, l'écrivain fait sourire le lecteur par le terme de chasse qui ne s'applique pas à des éléments inertes que sont les fruits. Il tourne ainsi l'objet de son forfait en ridicule, le minimisant et s'excusant par avance du vol. Rousseau met en scène l'objet par le démonstratif ces L'écriture réinvente l'épisode sous des jours plus avenants pour sa personne. La difficulté de la chasse est évoquée avec une distance amusée et soulignée par les mots au fond ainsi que élevée présentant ainsi le vol comme un exploit digne d'un héros. [...]
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