Commentaire de Littérature (bac +3) de l'extrait de l'ouvrage de Stendhal Le Rouge et le Noir, dans lequel Julien Sorel se lance le défi de séduire Mme de Rénal.
[...] S'il est vrai que Julien parvient à relever son défi, c'est à ce moment précis que l'action se noue. Les deux répétitions du mot dernier laissent penser à la résolution de l'action proche: dernier moment d'attente dernier coup dernier effort De plus, l'adjectif hyperbolique un affreux supplice ainsi que le mot bonheur suggèrent la fin d'une intrigue. Or par ce geste qu'il accomplit Julien s'engage dans une part d'inconnu avec les promesses et les risques qu'elle comporte. Cette scène présente donc effectivement un dénouement heureux qui implique cependant un nœud plus important au niveau de l'intrigue. [...]
[...] L'extrait se compose en effet de dix paragraphes dont la longueur s'accroît à mesure que l'intensité dramatique augmente. Les trois premiers paragraphes sont de longueur égale: ils constituent une sorte d'introduction et dévoilent le défi que se lance le héros: il décida qu'il fallait absolument qu'elle permit ce soir-là que sa main restât dans la sienne A partir de cette phrase, la tension s'accentue. Tous les faits extérieurs et même anodins sont mis au service de ce défi. Ainsi, le caractère obscur de la nuit ou les nuages qui paraissent annoncer une tempête le ciel annoncerait-il un orage passionnel Les paragraphes suivants sont plus longs, on entre dans l'action même. [...]
[...] Excepté pour la passion du héros, un roman doit être un miroir affirme Stendhal dans la préface de Lucien Leuwen. Dans Le Rouge et le Noir, c'est bien le caractère du héros qui donne son éclat et sa dureté au miroir. [...]
[...] Il ne s'aperçoit pas de la voix de Mme de Rênal tremblante ou encore serre sa main d'une force convulsive De plus, malgré toute sa volonté, il s'imagine fuir: que de fois ne désira-t-il pas voir survenir à madame de Rênal quelque affaire qui l'obligeât de rentrer à la maison et de quitter le jardin Ses enfantillages font sourire et montrent la fragilité du héros. Ce décalage entre son désir de réussite et ses craintes est réaliste et le rende très humain. S'il apparaît comme un personnage réaliste, Julien se montre aussi héroïque au sens romanesque du terme. [...]
[...] Cependant, Julien s'implique dans son combat, à l'inverse de Valmont, par exemple, qui reste de marbre face à la présidente de Tourvel, ou encore de Don Juan par rapport à Done Elvire. Julien souffre de ce combat, il ne parvient pas à s'en détacher. Cette scène, en plus, d'être une conquête amoureuse est également conquête de soi. Conquérir madame de Rénal, c'est aussi conquérir son honneur et sa propre estime. Julien se bat contre et pour lui-même. Le héros cherche ainsi à se prouver sa propre force intérieure et à surpasser ses limites et ses angoisses. [...]
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