Savinien de Cyrano, qui s'engagea à dix-neuf ans dans les cadets de Gascogne, sous le nom de Bergerac, est un écrivain et libre penseur né en 1619. Edmond Rostand s'inspira de ce personnage historique pour écrire un drame romantique, Cyrano de Bergerac, en 1897. Dans cette pièce de théâtre qui s'apparente à un drame romantique, le personnage éponyme est amoureux de sa cousine, la belle et précieuse Roxane, qui elle-même en aime un autre, le beau mais peu éloquent Christian. Pour se rapprocher de Roxane, Cyrano accepte de protéger l'amoureux de celle-ci et propose même à Christian un contrat dans lequel Cyrano aidera Christian à séduire Roxane en joignant son éloquence à la beauté de celui-ci. Mais une fois Roxane et Christian mariés, ce dernier meurt à la guerre. Dans la fin de la pièce, après une ellipse de quinze ans entre l'acte IV et l'acte V, on assiste à une scène de révélation au cours de laquelle Roxane découvre dans le couvent où elle s'est retiré que le véritable auteur des lettres d'amour qu'elle recevait est Cyrano, lequel, après avoir reçu une poutre sur la tête lors d'un accident tramé par un de ses ennemis, meurt sur scène entouré de Roxame, Ragueneau et Le Bret.
Quelle image singulière Edmond Rostand donne-t-il de son protagoniste lors du dénouement de la pièce ?
Nous verrons d'abord que ce dénouement est dramatisé et qu'au moment de mourir, le dramaturge dresse un bilan mitigé de la vie de Cyrano. Ensuite, nous montrerons que le dernier combat que livre ici l'ancien cadet de Gascogne est présenté à la fois comme sublime et grotesque. Enfin, nous mettrons en lumière qu'au moment même où il meurt, Cyrano apparaît comme participant pleinement à la condition humaine et que l'auteur le fait entrer dans la légende comme un véritable héros romantique (...)
[...] Enfin, Edmond Rostand ne montre pas Cyrano sans défaut. Jusqu'au bout, il est présenté comme fier de lui et vantard, notamment lorsqu'il énumère, évoquant son épitaphe, les huit titres qui le qualifient (v.2533à 2537), ou bien 7 lorsqu'il affirme qu'il retrouver[a] Socrate et Galilée (v.2524), ou bien encore lorsqu'il se sent en mesure de défier la mort. B. La naissance d'un héros romantique et mythique Mais le dramaturge achève de transfigurer son protagoniste, dont il a souligné la dimension très humaine, en un véritable héros romantique avec un caractère mythique, assez différent de la réalité de la personne du XVIIème siècle (qui avait une sœur, préférait les garçons, n'a jamais écrit de lettres à sa cousine Catherine et non Roxane à la place de son futur mari et est mort sans qu'on puisse assurer qu'il s'agît d'un meurtre déguisé et au bout de plusieurs jours). [...]
[...] et accentué par les exclamations, par la répétition de moi et par l'allitération en qui lie intimement le mot malheur et le mot moi insiste sur la culpabilité et la souffrance morale de ce personnage. Qui plus est, le serment qu'elle prononce au vers 2548 est très saisissant Je vous jure ! . et la brièveté de cette réplique qui s'achève sur des points de suspension souligne la profonde émotion du personnage qui se transmet au spectateur. On retrouve le même procédé dans certaines répliques de Le Bret, lequel s'interrompt sous le coup de l'émotion : Mourir ainsi ! . Mourir ! . [...]
[...] Il fait des moulinets immenses et s'arrête haletant. Oui, vous m'arrachez tout, le laurier et la rose ! Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose Que j'emporte ; et ce soir, quand j'entrerai chez Dieu, Mon salut balaiera largement le seuil bleu, Quelque chose que sans un pli, sans une tache, J'emporte malgré vous, Il s'élance l'épée haute. et c'est L'épée s'échappe de ses mains, il chancelle, tombe dans les bras de Le Bret et de Ragueneau. ROXANE, se penchant sur lui et lui baisant le front C'est ? [...]
[...] Enfin, l'épitaphe préparée par Cyrano des vers 2533 à 2540, avec l'expression traditionnelle Ci-gît contribue aussi à rendre très concrète la mort prochaine de Cyrano. On remarque aussi que Cyrano lui-même dresse un constat final au vers 2498 toute ma vie est là ce qui est pour l'auteur une manière d'indiquer clairement le pressentiment de la mort éprouvé par le personnage. De surcroît, l'utilisation de la troisième personne du singulier et du passé simple (temps du passé révolu) dans l'épitaphe de Cyrano Hercule-Savinien / De Cyrano de Bergerac / Qui fut tout et qui ne fut rien permet bien de traduire le fait qu'il considère que sa vie est achevée et qu'il porte un regard distancié sur l'homme qu'il a été. [...]
[...] Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis ! Le Mensonge ? Il frappe de son épée le vide. Tiens, tiens ! Ha ! ha ! les Compromis, Les Préjugés, les Lâchetés ! Il frappe. Que je pactise ? Jamais, jamais ! Ah ! [...]
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