Le poète établit avec un réalisme lucide et poignant le bilan de sa déchéance physique. Le sonnet débute par la formule privative « ne...que ». D'emblée, Ronsard affirme assister au cheminement qui le réduit à l'état de squelette. Le portrait physique débute donc sous le signe du négatif (...)
[...] Cette hyperbole exprime, d'une part, la très grande détresse du poète, due à la forte dégénérescence de son corps, et d'autre part, sa très grande lucidité. Il sait qu'il n'a plus rien à espérer, il est résigné. Mais outre ce sentiment de résignation face à la mort, apparaît celui du regret, dans le second hémistiche du sixième alexandrin, comme si, précédemment, il avait cru aux pouvoirs de la médecine. Dans le vers suivant, Ronsard utilise la métaphore du soleil qui représente la vie. L'exclamation présente ici exprime tout le chagrin, le mal-être du poète. [...]
[...] Le portrait physique débute donc sous le signe du négatif. Il insiste en outre sur son apparence, puisque nous avons le verbe semble Ce corps, décharné d'apparence, à l'origine de la peur du poète, est donc décrit avec un profond réalisme, comme le confirme le second alexandrin. En effet, nous y notons une accumulation d'adjectifs qualificatifs particulièrement négatifs. A cet égard, chacun débute par la particule privative dé Enfin, afin de mettre en valeur cette misère physique, ce vers se caractérise par l'assonance en é cette misère est ici à son paroxysme. [...]
[...] Ce sonnet contient ainsi les confidences douloureuses et discrètes d'un homme qui est parfaitement conscient qu'il n'en a plus pour très longtemps à vivre. Sa déchéance physique, Ronsard nous la fait ressentir sans excès. Si la plainte est poignante, elle reste exprimée avec une grande pudeur. L'attitude de Ronsard face à la mort est humaine, faite de regrets, de résignation, mais aussi d'une foi chrétienne qui l'apaise, avec la croyance tranquille en un au-delà où les âmes se retrouvent. [...]
[...] Enfin, le dernier vers - la pointe, la chute - dédramatise la mort: le lieu où tout se désassemble devient un lieu de réunion où tous les amis le rejoindront. La séparation se fait plus sereine, jusqu'à perdre son caractère définitif. Ce n'est plus une disparition, mais un départ, une simple absence avant de nouvelles retrouvailles. Dans l'autre monde, Ronsard se montre acteur, alors qu'il n'a été que victime jusqu'ici, objet de toute l'attention de ses amis: je est sujet, alors que me est COD. [...]
[...] Nous constatons ainsi une gradation dans ce thème: alors qu'au début il dit n'avoir que les os ici il dit qu'il n'a plus rien, qu'il n'est plus rien puisqu'il s'agit désormais d'une dépouille. Les amis de Ronsard eux-mêmes se rendent bien compte de la gravité de l'état du poète: à l'angoisse devant la mort, chez lui, répond la peine - œil triste et mouillé - teintée de tendresse - consolant baisant - de ses amis. Le caractère intimiste et familier de la scène, avec la référence au logis des amis, ne peut que toucher le lecteur. Enfin, Ronsard est touché par les marques d'affection, les paroles de réconfort de ses amis. [...]
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