Le Roman de Tristan est un texte écrit par Béroul entre les années 1150 et 1190. Il raconte les amours mythiques et impossibles des héros Tristan et Yseut. Les amants sont déjà parvenus à déjouer les plans maléfiques des barons qui veulent les dénoncer au roi Marc. En effet, au courant d'un rendez-vous secret, le roi a épié sa femme et son neveu, mais ces derniers se sont aperçus de sa présence et se jouent de lui en feignant d'être innocents des soupçons d'adultère qui pèsent contre eux. Ce piège n'ayant pas fonctionné, les barons font appelle au nain Frocin et à sa ruse. Les mêmes personnages sont en présence : les amants et le roi (manoeuvré par Frocin et les barons félons). Ici, la scène se déroule dans la chambre du roi, et les amants ne parviennent pas à déjouer le piège du nain. L'amour des deux héros n'est pas un aveu oral, il ne se dit pas. Dans ces circonstances, de quelle manière le nain s'y prend-t-il pour confondre les amants, de quelle manière l'amour se révèle-t-il ?
Dans un premier temps nous verrons en quoi consiste le piège du nain ; ensuite nous remarquerons que la scène se déroule comme une pièce de théâtre et qu'elle révèle la passion et la culpabilité des amants.
I/ La préparation du piège
1) Le rôle du nain
Le nain est l'instigateur du piège, c'est qui lui le conçoit. Il a une intelligence maléfique qu'il met au service des barons. Il se différencie de ces derniers qui usent plus de la violence physique (lorsqu'ils s'emparent brutalement de la reine), alors que lui est du côté de la ruse et du stratagème. Dans la tradition littéraire, le personnage du nain est maléfique, il recherche l'avilissement du chevalier. Dans le mythe des chevaliers de la Table Ronde, on remarque des épisodes célèbres où interviennent des nains maléfiques (...)
[...] À minuit, le nain et le roi Marc sortent de la chambre. Cela laisse le champ libre à Tristan et entraîne un autre mouvement : le saut de Tristan. Aux vers 736 à 738, on note le regard voyeur du nain, de l'extérieur vers l'intérieur : il est à la frontière des deux lieux. Le nain est l'intermédiaire entre l'extérieur et l'intérieur. L'intrusion de son regard voyeur prépare à l'intrusion physique des personnages dans la chambre. Après le saut de Tristan, le nain et le roi Marc font irruption dans la chambre, puis c'est au tour des barons d'entrer en scène. [...]
[...] Sa plaie escrive, forment saine ; Le sanc qui'en ist les dras ensaigne. La plaie saigne ; ne la sent, Qar trop a son delit entent. En plusors leus li sanc aüne. Li nains defors est. A la lune Bien vit josté erent ensenble Li dui amant. De joie en trenble, Et dist au roi : Se nes puez prendre Ensenble, va, si me fai pendre. Iluec furent li troi felon Par qui fu ceste traïson Porpensee priveement. Li rois s'en vient. [...]
[...] On peut également y voir de la violence, ce sang perdu par Tristan résulte d'une blessure. Les deux couleurs sont aimées par leur luminosité. La beauté naît de l'alliance entre la couleur et la lumière, l'écriture de Béroul jour sur ces capacités de figuration (les deux matières que sont le sang et la farine). Ce qu'il décrit est de l'ordre de la peinture, de l'ordre de l'artistique. De plus le sang représente la culpabilité de l'amour, en effet, le sang c'est l'humeur qui peut avoir quelque chose d'impur. [...]
[...] Il est capable de maléfices, il a des pouvoirs occultes et des connaissance en astrologie. L'astrologie est l'incarnation du destin. Au vers 736, on peut se demander s'il voit l'union des amants à la clarté de la lune, ou en contemplant la lune (qui est l'astre des amoureux), il comprend que les amants sont unis : c'est un acte de divination (on peut hésiter entre une explication magique ou rationnalisante). L'épisode se déroule la nuit, le moment favori des pouvoirs occultes ; Frocin peut rendre visible aux autres ce qui est caché, ce qui est invisible. [...]
[...] Porpensa soi que ce devoit, Qar si serivr pas ne soloit ; Pus dist : Bien tost a ceste place Espandroit flor por nostre trace Veer, se l'un a l'autre iroit. Qui iroit or, que fous feroit ; Bien verra mais se or i vois Le jor devant, Tristan, el bois, En la janbe nafrez estoit D'un grant sangler, molt se doloit. La plaie molt avoit saignié ; Deslïez ert, par son pechié. Tristan ne dormoit pas, ce quit ; Et li roi live a mie nuit, Fors de la chanbre en est issuz ; O lui alla li nain boçuz. Dedenz la chanbre n'out clartez, Cirge ne lanpë alumez. [...]
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