Dans la Thébaïde, Jocaste incarne un personnage pathétique qui sert l'ironie tragique. Elle est la reine de Thèbes veuve de Laïos, mère et femme d'Œdipe mais aussi mère d'Etéocle, Polynice, Antigone et Ismène. Dans le récit antique, ses apparitions sont marquées par la complainte et les lamentations. Dans le Roman de Thèbes, elle figure dans les 500 premiers vers n'étant pas issus de la thébaïde qui raconte l'histoire des aïeux et l'origine du péché. Au fil du roman, elle apparait ponctuellement jusqu'à disparaitre totalement à partir du vers 8064 durant l'épisode de Daire le Roux.
[...] II) Une figure ambivalente Des initiatives vouées à l'échec Jocaste constitue un personnage poursuivi par la fatalité. Dans la religion chrétienne, l'inceste est un péché impardonnable ; ici Jocaste échoue à chaque tentative pouvant favoriser le rachat de la faute originelle. Toutes les unions qu'elle favorise se soldent par la mort d'un des partis comme c'est le cas avec le couple de sa fille Antigone et du chevalier Parthénopée ; dans la représentation des valeurs féodales, une union doit en effet être approuvée par les parents. [...]
[...] La Jocaste du Roman de Thèbes sera humaine et difficilement assimilable à la divinité souterraine décrite par Stace dans la Thébaïde. Jocaste : matrice du péché (causalité humaine à la faute) Jocaste représente une causalité humaine à la malédiction puisque c'est elle qui a enfanté Etéocle et Polynice, elle est donc l'origine biologique du conflit. Bien que le mythe d'Œdipe soit résumé (on remarque moins de métaphores et de digressions, l'auteur va à l'essentiel) Jocaste y occupe une place importante. [...]
[...] Le suicide ne sera tout simplement pas remplacé, Jocaste disparaitra du roman sans raison apparente après avoir proposé à Daire d'épouser Salamandre. Ce personnage évoluera dans un imaginaire chrétien : produit de la remythologisation (concept précisé par Daniel Poirion dans Le merveilleux dans la littérature française du Moyen Age) et de la réinterprétation voulues par l'auteur. Paradoxalement, la sobriété dans l'écriture du roman de Thèbes par rapport à la Thébaïde favorise l'expansion du personnage de la reine; l'auteur réinterprète ce personnage en lui octroyant une épaisseur et une influence grandissante tout au long du roman. [...]
[...] Les dieux païens sont niés c'est pourquoi l'origine de la malédiction se voit octroyer une causalité humaine dont Jocaste fait partie. Elle se dit victime d'une damnation ( Mar fumes né, car ambedui serons dampné ! vers 525-526) néanmoins elle est aussi présentée comme pieuse et pénitente puisqu'elle en appelle à la religion (vers 412 : je vous conjure par vostre loi elle pleure et se lamente en apprenant sa faute. Ces lamentations vont dans le sens de la dénonciation, car on remarque une dramatisation du personnage, l'excessivité manifeste de ses réactions est une façon qu'a l'auteur de nous présenter Jocaste comme expiatrice du péché. [...]
[...] De fait, le Roman de Thèbes confère à Jocaste les attributs d'une reine en accord avec les principes de féodalité. Cependant, l'auteur la dénigre au début du roman en l'incluant dans une appréciation générale sur les femmes lorsqu'Œdipe tente de la séduire : Jocaste volentiers le prent, car fame est tost menee avant, qu'en em puet fere son talent au vers 440. Ainsi, l'implication équivoque de Jocaste dans l'action témoigne d'une certaine complexité dans la mesure où la reine se détache du mythe pour incarner un personnage caractéristique d'une mutation vers le genre romanesque. [...]
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