Romain Gary, "La Vie devant soi", Incipit : commentaire composé
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Dans les deux cas on a la description concrète de l'aspect de certains personnages ; l'obésité. Les deux personnages sont élevés par des éducateurs, les narrateurs (personnage principal) ne sont pas décrits. Le personnage principal est un enfant, dans les deux cas. Les deux se présentent comme des autobiographies fictives puisque le narrateur et le personnage se confondent ("je") mais il ne s'agit pas de l'auteur, dans les deux cas. On a donc la même situation mais 250 ans séparent les deux oeuvres (...)
Sommaire
Introduction
I) Comparaison d'incipit traditionnel et moderne (comparaison avec "Gil Blas") II) Le rôle de l'incipit III) L'ambiance IV) Le ton comique V) L'humour
Conclusion
Texte étudié:
La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied et que pour Madame Rosa, avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes, c'était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle ne se plaignait pas d'autre part, car elle était également juive. Sa santé n'était pas bonne non plus et je peux vous dire aussi dès le début que c'était une femme qui aurait mérité un ascenseur. Je devais avoir trois ans quand j'ai vu Madame Rosa pour la première fois. Avant, on n'a pas de mémoire et on vit dans l'ignorance. J'ai cessé d'ignorer à l'âge de trois ou quatre ans et parfois ça me manque. Il y avait beaucoup d'autres Juifs, Arabes et Noirs à Belleville, mais Madame Rosa était obligée de grimper les six étages seule. Elle disait qu'un jour elle allait mourir dans l'escalier, et tous les mômes se mettaient à pleurer parce que c'est ce qu'on fait toujours quand quelqu'un meurt. On était tantôt six ou sept tantôt même plus là-dedans. Au début, je ne savais pas que Madame Rosa s'occupait de moi seulement pour toucher un mandat à la fin du mois. Quand je l'ai appris, j'avais six ou sept ans et ça m'a fait un coup de savoir que j'étais payé. Je croyais que Madame Rosa m'aimait pour rien et qu'on était quelqu'un l'un pour l'autre. J'en ai pleuré toute une nuit et c'était mon premier grand chagrin. Madame Rosa, a bien vu que j'étais triste et elle m'a expliqué que la famille ça ne veut rien dire et qu'il a en a même qui partent en vacances en abandonnant leurs chiens attachés à des arbres et que chaque année il y a trois mille chiens qui meurent ainsi privés de l'affection des siens. Elle m'a pris sur ses genoux et elle m'a juré que j'étais ce qu'elle avait de plus cher au monde mais j'ai toute de suite pensé au mandat et je suis parti en pleurant.
Introduction
I) Comparaison d'incipit traditionnel et moderne (comparaison avec "Gil Blas") II) Le rôle de l'incipit III) L'ambiance IV) Le ton comique V) L'humour
Conclusion
Texte étudié:
La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied et que pour Madame Rosa, avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes, c'était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle ne se plaignait pas d'autre part, car elle était également juive. Sa santé n'était pas bonne non plus et je peux vous dire aussi dès le début que c'était une femme qui aurait mérité un ascenseur. Je devais avoir trois ans quand j'ai vu Madame Rosa pour la première fois. Avant, on n'a pas de mémoire et on vit dans l'ignorance. J'ai cessé d'ignorer à l'âge de trois ou quatre ans et parfois ça me manque. Il y avait beaucoup d'autres Juifs, Arabes et Noirs à Belleville, mais Madame Rosa était obligée de grimper les six étages seule. Elle disait qu'un jour elle allait mourir dans l'escalier, et tous les mômes se mettaient à pleurer parce que c'est ce qu'on fait toujours quand quelqu'un meurt. On était tantôt six ou sept tantôt même plus là-dedans. Au début, je ne savais pas que Madame Rosa s'occupait de moi seulement pour toucher un mandat à la fin du mois. Quand je l'ai appris, j'avais six ou sept ans et ça m'a fait un coup de savoir que j'étais payé. Je croyais que Madame Rosa m'aimait pour rien et qu'on était quelqu'un l'un pour l'autre. J'en ai pleuré toute une nuit et c'était mon premier grand chagrin. Madame Rosa, a bien vu que j'étais triste et elle m'a expliqué que la famille ça ne veut rien dire et qu'il a en a même qui partent en vacances en abandonnant leurs chiens attachés à des arbres et que chaque année il y a trois mille chiens qui meurent ainsi privés de l'affection des siens. Elle m'a pris sur ses genoux et elle m'a juré que j'étais ce qu'elle avait de plus cher au monde mais j'ai toute de suite pensé au mandat et je suis parti en pleurant.
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Extraits
[...] Il l'a utilisé pour écrire sans doute le plus célèbre de ses libres, "La Vie devant soi", qui a reçu le prix Goncourt en 1975. Il écrit de nombreux romans dont "Les Racines du Ciel" qui obtient le Goncourt en 1958. "La Vie devant soi" est un roman qui montre comment la méfiance et l'étroitesse d'esprit peuvent être effacés par la tendresse, la compréhension, la générosité. Momo, le petit nord-africain, et Madame Rosa, la vieille juive presqu'impotente, se connaissent, s'apprécient, se soutiennent l'un l'autre face aux aléas d'une vie pas facile. [...]
[...] III) L'ambiance L'incipit va permettre au lecteur de rentrer dans l'ambiance, de donner le ton. On a une ambiance chaleureuse : "Il y avait beaucoup d'autres Juifs, Arabes et Noirs à Belleville". L'adjectif "autre" appelle une seule catégorie. Romain Gary profite des erreurs de Momo, son narrateur, pour nous donner une vision de la vie conviviale et généreuse selon laquelle toutes les ethnies n'en forment qu'une. Cela permet de rassurer le lecteur par rapport au premier paragraphe. On a l'impression que tout le monde vit dans un pêle- mêle joyeux. [...]
[...] Gary fait donc exprès de brouiller la hiérarchisation des informations tandis que dans un roman traditionnel comme "Gil Blas" tout est dit de façon claire et précise. C'est pour stimuler la curiosité et pour rendre plus vivant. Le narrateur ne donne ni son nom ni son âge. L'ordre logique est bouleversé. II) Le rôle de l'incipit A. La présentation des personnages est plus dynamique, le lecteur est plus actif B. Le lecteur est incité à lire la suite du roman, cela éveille la curiosité et crée des liens avec les personnages (familiarité) ; cela donne le ton, met l'ambiance. L'originalité et l'humour incitent à cela. [...]
[...] On a de la familiarité qui resserre le lien ; avec la confidence de Momo on a une intimité, des préoccupations quotidiennes sans préavis avec un contact spontané, immédiat. Le lecteur est mis à l'aise, pris par la main, par les mots qui l'accompagnent ; mais cela peut déstabiliser : autant de franchise, de spontanéité, typique des enfants. Mais cela heurte et provoque parfois : Gary a pris un enfant pour dénoncer des vérités dérangeantes que les adultes n'osent pas. Il parle de l'obésité de Madame Rosa en exagérant : "tous ces kilos" ; le lecteur jubile. [...]
[...] ) et un vocabulaire relâché, un niveau de langue familier dans "La Vie devant soi" ("môme", "tous ces kilos" . L'effet produit par le roman de Gary est un réalisme, un rapprochement sentimental et au niveau de l'orthographe, on se sent moins seul (proximité avec le lecteur). Dans l'incipit traditionnel, tout est expliqué de façon chronologique alors que dans l'incipit moderne, tout est expliqué au fur et à mesure que les idées traversent les pensées du narrateur. Dans "La Vie devant soi" le lieu n'apparaît qu'au troisième paragraphe alors que dans "Gil Blas" on le sait dès les premières lignes. [...]